Les cérémonies soulignant le 100e anniversaire du Fenway Park de Boston ont incité les chroniqueurs de baseball à fouiller dans leurs souvenirs et dans leurs archives.
Peter Gammons, qui suit les activités des Red Sox depuis plus de 40 ans, n’a pas manqué de rappeler les exploits de Carl Yastrzemki et de Jim Lonborg en 1967, les attrapés spectaculaires de Dwight Evans au champ droit, le travail étincelant de Pedro Martinez après son acquisition des Expos de Montréal, le courage de Curt Schilling, le circuit de Carlton Fisk dans la Série mondiale de 1975, les coups de canon de David Ortiz, de Jim Rice et de Mo Vaughn, la régularité de Wade Boggs, le circuit de Ted Williams à sa dernière présence au bâton et bien d’autres choses encore.
La tradition des Red Sox est tellement riche qu’elle nous ramène à des légendes comme Cy Young, Babe Ruth, Bobby Doerr, Johnny Pesky, Mel Parnell et Joe Cronin. Les Yankees, 27 fois champions de la Série mondiale, sont la seule équipe sportive avec un plus grand nombre de héros.
C’est ce qui m’incite à vous parler de Babe Ruth, le plus grand dieu du stade au début du XXe siècle.
Si vous ne le savez pas encore, Ruth a été un fameux lanceur gaucher pour les Red Sox entre 1914 et 1919 avant de connaître la gloire à New York. Il a eu deux saisons de 20 victoires et il a compilé une fiche globale de 94-46 avec une excellente moyenne de points mérités de 2,28. Il a aussi aidé à son équipe à gagner trois Séries mondiales.
En 1919, Ruth s’est mis à jouer au champ extérieur les jours où il n’était pas d’office au monticule. Il a si bien fait qu’il a terminé la campagne avec 29 circuits et 114 points produits en seulement 432 présences au bâton. Sa carrière de lanceur venait de prendre fin.
Une fois la saison terminée, il a avisé le propriétaire Harry Frazee qu’il voulait doubler son salaire de 10 000$, sinon il rentrait à la maison. Producteur de spectacles sur Broadway, Frazee avait des problèmes de liquidités et ne voulait pas se plier aux exigences de son joueur étoile. Il a donc tenté de l’échanger au plus offrant. Ce n’est pas sans nous rappeler l’histoire de Peter Pocklington et de Wayne Gretzky.
Les White Sox de Chicago ont offert Shoeless Joe Jackson et une somme de 60 000$. C’était une proposition fort alléchante, mais les Yankees n’avaient pas dit leur dernier mot. Ils sont revenus à la charge en offrant un montant de 125 000$ à Frazee, plus un prêt de 300 000$ pour financer ses entreprises. C’est ainsi que Babe Ruth a pris la route de New York pour devenir la plus grande attraction de son époque.
Il serait trop long d’énumérer les exploits du Bambino dans l’uniforme rayé. Disons simplement qu’il a connu dix saisons de 40 circuits et plus, dont un sommet de 60 en 1924. Il a aussi formé un des plus fameux duos de frappeurs de tous les temps avec Lou Gehrig. Les deux hommes étaient très différents et ne se parlaient presque jamais, mais ils faisaient trembler les lanceurs adverses.
Malgré ses 12 championnats des frappeurs de circuits, Ruth n’a mérité qu’une seule fois le titre de joueur par excellence de la Ligue américaine. C’est difficile à comprendre. Il a joué son dernier match avec les Braves de Boston en 1935 et il est mort du cancer en août 1948.
Le Bambino a eu une vie très mouvementée à l’extérieur du losange et il aurait probablement fait la manchette pour les mauvaises raisons si les journalistes du temps n’avaient pas fermé les yeux. C’était une autre époque où on respectait la vie privée des athlètes. Disons qu’il était roi du baseball et qu’on lui pardonnait ses extravagances. À cela, il faut ajouter qu’il se rendait souvent dans les hôpitaux pour visiter les enfants malades. C’était sans doute parce qu’il avait grandi dans un orphelinat de Baltimore.
Quoi qu’il en soit, le sort a voulu que les Red Sox passent 86 ans sans gagner la Série mondiale, après le départ de Babe Ruth. Ils sont venus très près de réussir l’exploit en 1946, 1967, 1975 et 1986, mais ils ont chaque fois été battus dans le match ultime, ce qui a fait dire aux scribes qu’ils étaient victimes de la «malédiction du Bambino».
Cette malédiction n’a pris fin qu’à l’automne 2004 lorsque les Red Sox ont effacé un déficit de 0-3 face aux Yankees avant de remporter le championnat de la Ligue américaine et la Série mondiale.
On parlera encore longtemps de ce ralliement inattendu comme on parlera encore longtemps d’un certain George Herman Ruth, un des rares athlètes à avoir connu la gloire à Boston et New York.