En regardant le documentaire sur Bernard Geoffrion à RDS, plein de souvenirs me sont revenus en tête.
Comme tous les gens de mon âge, j’ai vu jouer Boom-Boom en noir et blanc, puis en couleurs chez les Rangers. En zone ennemie, il était quasiment aussi dangereux que Maurice Richard, le héros de son enfance. «Je possédais un très bon lancer, mais je n’aurais jamais connu une telle carrière si je n’avais pas joué avec Jean Béliveau, m’a-t-il souvent répété. Le Grand Jean savait réellement quoi faire avec une rondelle. T’avais juste à te placer au bon endroit et tu étais certain qu’il te l’enverrait sur le tape (ruban gommé)».
J’ai aussi vu Geoffrion faire le comique dans les pubs de Miller Lite avec Billy Martin, Dick Williams et d’autres grands noms du sport. Comme il avait le sens du spectacle, c’était pour lui un jeu d’enfant que de tourner ces commerciaux.
Le Boomer se défendait également assez bien comme chanteur. Il a même tourné un 45 tours, mais ça s’est arrêté là. Chanter sous la douche et en faire une carrière sont deux choses fort différentes. Mon ami Jacques B. Côté pourrait vous en parler longtemps…
Un dur coup
Geoffrion était un bon joueur d’équipe, mais il avait deux personnalités dans le vestiaire. «Il était «tout feu tout flamme» quand il vivait une heureuse période et il faisait la moue lorsqu’il traversait une léthargie», se souvient Gilles Tremblay.
Il a encaissé un dur coup le jour où ses coéquipiers lui ont préféré Jean Béliveau comme capitaine suite au départ de Doug Harvey pour New York (1961). Il n’en voulait pas à son ami Jean, mais il croyait que cet honneur lui revenait de plein droit après une dizaine d’années avec le Bleu Blanc Rouge. En bout de ligne, le vote a penché en faveur du Gros Bill.
Peu de gens s’en souviennent, mais Geoffrion a été entraîneur des As de Québec pendant deux ans. Parmi ses protégés, il y avait Doug Harvey et Gump Worsley. Semble-t-il que Frank Selke lui avait fait la promesse de diriger le Canadien après avoir fait ses classes dans la Vieille capitale, mais ça ne s’est pas produit. Frustré, le Boomer a choisi d’effectuer un retour au jeu avec les Rangers et il s’est plutôt bien défendu après une absence prolongée.
Quelques années plus tard, il est devenu le premier entraîneur des Flames d’Atlanta. Il a travaillé fort pour populariser le hockey en Georgie, mais c’était une mission quasi impossible dans une région où le football, le baseball et le basketball avaient le haut du pavé.
En 1979, Irving Grundman, nouveau patron du Canadien, a décidé de faire appel à Geoffrion pour chausser les grands souliers de Scotty Bowman. Ken Dryden venait d’annoncer sa retraite, Jacques Lemaire prenait le chemin de la Suisse et Yvan Cournoyer était sur le point d’abandonner à cause d’un mal de dos chronique. Ce n’était plus la formidable équipe qui venait de se taper quatre conquêtes d’affilée.
Malgré toute sa bonne volonté, Geoffrion a tenu le coup pendant exactement 100 jours avant de remettre sa décision. La présence de son fils Danny dans l’alignement lui causait des maux de tête, mais ce n’était pas la seule raison. Le hockey était en pleine évolution et le Boomer était un homme d’une autre époque. C’est Claude Ruel qui a pris la relève pour le reste de la saison.
Beaucoup trop tard
Après sa courte aventure derrière le banc, Geoffrion est rentré à Marietta, en Georgie, pour jouer au golf et s’occuper de sa famille grandissante. De temps à autres, il venait faire un tour à Montréal. Il avait toujours des anecdotes intéressantes à nous raconter. Il lui arrivait aussi d’être de mauvais poil et d’attaquer certains journalistes.
Les années ont passé jusqu’à ce qu’il soit victime du cancer. On avait peu souvent de ses nouvelles jusqu’à ce que le Canadien décide, 25 ans trop tard, de retirer son chandail numéro 5.
On a décidé d’attendre jusqu’au printemps 2005 pour que la cérémonie officielle coïncide avec la visite des Rangers. Tant et si bien que Geoffrion est mort le matin même où il devait être honoré. Heureusement, son épouse Marlene, ses enfants et ses petits-enfants ont pu être réunis sur la patinoire du Centre Bell pour une soirée très émotive. Son chandail flottait enfin près de celui de son beau-père Howie Morenz.
Lorsque je pense à Geoffrion, je pense surtout à trois choses: son slapshot, ses grimaces et sa joie de vivre. Y’en avait pas deux comme le Boom!
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