SHERBROOKE— Il en a coulé de l’eau sous les ponts depuis le jour où Georges Guilbault a aidé les Castors Seniors à gagner la coupe Allan dans le vieil aréna de la rue du Parc.
Aussi incroyable que ça puisse paraître, il reste moins de quatre mois avant le 50e anniversaire de cette conquête, une des plus belles dans l’histoire du hockey amateur québécois. Décidément, personne ne peut stopper la Grande Horloge.
La semaine dernière, j’ai passé trois heures avec l’ancien joueur de centre pour discuter de ses multiples aventures dans le monde du hockey. Il faudra se reprendre un de ces quatre car nous n’avons pas épluché tous les sujets. Voici, en gros, ce qu’il avait à raconter:
- DANS LES MARITIMES: «Après avoir complété ma carrière junior à VICTORIAVILLE et avoir remporté le championnat des marqueurs dans la Ligue Junior A du Québec, SIMON NOLET et moi avont été recrutés par GEORGES ROY pour aller jouer dans les Maritimes, plus précisément dans la petite ville de Windsor, Nouvelle-Écosse. Au début, je vivais dans une vieille roulotte avec le gardien de but SERGE AUBRY. Un soir, la roulotte a été emportée par une bourrasque de vent et nous avons dû trouver une maison de pension. Mon salaire était de 85$ par semaine. Étant donné que le club se faisait un peu trop brasser, j’ai suggéré qu’on embauche JOHNNY LÉVESQUE, mon ancien coéquipier à Victo. En plus d’être solide à la ligne bleue, Johnny ne craignait pas de jeter les gants pour défendre ses compagnons. C’était la bonne décision à prendre car il nous a aidés à atteindre la finale de la coupe Allan».
- LA COUPE ALLAN: «L’année suivante, Georges Roy (ancien joueur étoile des Saguenéens de Chicoutimi) a été attiré à SHERBROOKE par MM. Ivan Dugré et Camille Messara. Je l’ai suivi avec Simon Nolet, Serge Aubry, Rod Gaudreau, Réjean Richer, Jim Beckman, Frank Bartow et Johnny Lévesque. Les Castors misaient déjà sur des joueurs comme RENÉ PÉPIN, Claude Cardin, Bill Dupré, Gilles Cartier, Lionel Robidas, Larry Drouin, Serge Nadeau, Pierre Thibault et Réal Rousseau. Nous avons tout balayé sur notre passage pour gagner la COUPE ALLAN. Un des plus beaux souvenirs de ma carrière. Quelques mois plus tard, nous avons aussi gagné la coupe BUNNY AHEARNE en Suède. Cette compétition était en quelque sorte le championnat mondial de hockey senior. Après le tournoi, nous sommes allés jouer en RUSSIE et c’est là que j’ai appris le décès de mon PÈRE».
- TOUR DU CHAPEAU: «L’hiver suivant, nous avons joué un match hors-compétition contre l’équipe nationale de la Russie dans le tout nouveau PALAIS DES SPORTS. J’ai marqué les trois buts de mon club dans une défaite de 5-3, mais c’est TI-BI CARDIN qui a fait la manchette en grimpant dans les estrades pour s’en prendre à un spectateur!»
- TRAGÉDIE: «Après avoir tenté ma chance dans l’organisation des BLUES DE SAINT-LOUIS et avoir joué sous les ordres de DOUG HARVEY à Salt Lake City, j’ai abouti chez les Knights de NEW HAVEN. J’étais le meilleur marqueur de l’équipe lorsque j’ai été atteint accidentellement à l’oeil droit par un tir violent de mon coéquipier GORDIE SMITH (frère de Billy Smith, des Islanders). J’avais seulement 27 ans et j’étais père de famille. J’aurais voulu poursuivre ma carrière même si j’étais borgne, mais j’ai vite compris que c’était impossible. Je suis donc rentré à Sherbrooke et j’ai commencé à travailler pour LÉOPOLD DROLET, fondateur de la compagnie Sherwood-Drolet. On pourrait dire que j’ai été chanceux dans ma malchance. Ma deuxième carrière a été très profitable».
- MOMENT HISTORIQUE: «J’étais à Memphis avec l’équipe de Kansas City le jour où MARTIN LUTHER KING est tombé sous les balles de son assassin. J’ai entendu les coups de feu et les commentaires racistes à son endroit. Par mesure de sécurité, nous sommes restés enfermés dans un hôtel pendant deux jours et nous avons participé en direct à l’émission de télévision de JOHNNY CARSON».
- LES CASTORS JUNIORS: «Au début des années 1970, j’ai dirigé le VERT & OR de l’Université de Sherbrooke pendant deux ou trois ans, puis je suis devenu directeur général des CASTORS JUNIORS, un poste que j’ai occupé pendant neuf ans. Je n’avais peur de rien et je prenais les grands moyens pour former une équipe championne année après année. GHISLAIN DELAGE dirigeait l’équipe de main de maître. Il connaissait son affaire et il était toujours bien préparé. Nous avons remporté quelques championnats et atteint deux fois le tournoi de la coupe Memorial. Nous avons aussi gagné la médaille d’argent lors d’un championnat junior disputé en Europe. Vers la fin, les choses se sont gâtées. Ghislain Delage et moi avons vécu une séparation douloureuse».
- UN RÊVE INACHEVÉ: «Au milieu des années 1970, j’en menais pas mal large. Je travaillais pour Sherwood, j’étais patron des Castors et propriétaire du bar LE CARROUSEL au centre-ville de Sherbrooke en plus d’agir comme conseiller d’affaires pour un certain nombre de joueurs. Je connaissais alors les dirigeants d’à peu près toutes les équipes de la Ligue nationale. J’aurais aimé tenter ma chance dans la grande ligue. J’ai discuté avec MARCEL AUBUT pour devenir directeur général des Nordiques, mais ça n’a pas fonctionné».
- JETS ET CANADIENS: «EN 1982, JOHN FERGUSON m’a proposé d’acheter la concession des Braves de Boston dans la Ligue américaine. C’est ainsi que sont nés les Jets de Sherbrooke, club-école des Jets de Winnipeg. L’aventure n’a pas duré très longtemps. Nous avons ensuite négocié avec SERGE SAVARD et RONALD COREY pour déménager les Voyageurs d’Halifax au Palais des sports. Nous avons gagné la COUPE CALDER dès la première année avec plusieurs jeunes joueurs qui ont ensuite fait le saut à Montréal (Roy, Richer, Lemieux, Skrudland, Boisvert…). J’étais alors très proche de GUY LAFLEUR et cela a créé des frictions avec la direction du Canadien et avec SERGE SAVARD. À la fin, je me suis fait tasser par l’organisation».
- LAFLEUR ET KHARLAMOV: «Dans l’ensemble, je suis très fier de ce que j’ai accompli dans le hockey. Dans mon traval chez Sherwood-Drolet, je me suis lié d’amitié avec plusieurs vedettes de la Ligue nationale. Même que le grand VALERI KHARLAMOV a joué avec nos bâtons. J’ai aussi négocié le contrat de GUY LAFLEUR avec les Rangers: boni de signature de 100 000$ et salaire de 300 000$. À Québec, il a signé le même genre de contrat. Il fallait que Guy soit tout un athlète pour réussir son retour au jeu après quatre ans d’absence. Il vaudrait combien «Ti-Guy» dans le hockey d’aujourd’hui?»
- LA VIE CONTINUE: «Ma femme Francine est morte du cancer il y a bientôt six mois et elle me manque beaucoup. Nous venions de déménager dans notre nouvelle maison à Deauville quand elle a appris qu’elle était gravement malade. Je vais souvent à TROIS-RIVIÈRES pour voir ma fille Ève et mes deux petites-filles. J’ai longtemps détesté Trois-Rivières, mais je commence à changer d’avis».