Le Rocket n’était pas un ange, mais…

L’émeute de 1955: déjà 60 ans

FORT LAUDERDALE— Il n’y a pas si longtemps, il me semble, on faisait grand état du 50e anniversaire de l’émeute de Maurice Richard, le 17 mars 1955. Un demi-siècle!

Je me souviens très bien d’avoir téléphoné à quelques anciens coéquipiers du Rocket pour obtenir leur version des faits. Bien sûr, ils ont tous pris la défense du plus féroce compétiteur à avoir endossé le chandail bleu blanc rouge. Ils n’allaient quand même pas donner raison au «méchant» Clarence Campbell!

Ce matin, il faut ajouter 10 ans de plus et parler du 60e anniversaire d’un événement qui a soulevé tout un peuple et contribué indirectement à la naissance de la Révolution tranquille.

Maurice Richard et Jean Béliveau ont mené le Canadien à cinq conquêtes consécutives de la coupe Stanley après la fameuse émeute du 17 mars 1955.

Maurice Richard et Jean Béliveau ont mené le Canadien à cinq conquêtes consécutives de la coupe Stanley après la fameuse émeute du printemps 1955.

Maurice Richard n’était pas un ange. Il était fait tout d’un bloc et il avait du caractère à revendre. Il n’était pas «reposant» pour ceux qui tentaient de lui compliquer la vie.

Meilleur buteur de la ligue à six équipes, pourchassé sans relâche par les matamores de l’équipe rivale, il pouvait compter sur le support de son ami et capitaine Butch Bouchard, mais il était parfaitement capable de jeter les gants et de se défendre lui-même. On parle encore de ses victoires aux poings contre Bill Juzda, Ted Lindsay, Bill Ezinicki et quelques autres. En plus d’être champion du monde entre la ligne bleue et le filet adverse, Maurice était champion boxeur!

Au mois de mars 1955, le Rocket a perdu le contrôle de ses émotions lors d’un match présenté au Garden de Boston. Après avoir été frappé à la tête par le bâton d’Hal Laycoe, il a vu rouge. Le juge de lignes Cliff Thompson s’est interposé et il a retenu le numéro 9 pendant que Laycoe continuait de lui taper dessus. Pour pouvoir se défendre, Maurice a frappé l’officiel et il a été chassé du match par l’arbitre Frank Udvari. C’est du moins la version officielle.

Le dossier s’est retrouvé sur le bureau du président Clarence Campbell, dans l’édifice de la Sun Life à Montréal. On soupçonne encore Campbell d’avoir été influencé par les autres dirigeants de la ligue avant de suspendre Richard pour le reste de la saison régulière (trois parties) et les séries éliminatoires. Il n’en fallait pas davantage pour soulever la colère du peuple canadien-français.

Quel culot!

Le 17 mars, jour de la Saint-Patrick, Campbell a eu le culot de prendre place dans les gradins avec sa secrétaire pour assister au match entre le Canadien et les Red Wings. Les visiteurs menaient par le pointage de 4 à 1 lorsqu’une bombe artisanale a éclaté dans le vieux Forum, forçant l’évacuation des lieux et la fin du match (concédé aux Red Wings).

Quelques minutes plus tard, l’émeute a éclaté sur la rue Sainte-Catherine et les policiers ont eu toutes les misères du monde à contenir la foule. Beaucoup de vitrines ont été fracassées. Vous avez sans doute vu et revu les images à la télévision. Jamais un joueur de hockey n’avait causé un tel émoi dans la population. Le lendemain, le Rocket a dû aller à la radio pour tenter de calmer sa légion d’admirateurs.

«J’ai toujours pensé que la sanction était trop sévère et que Maurice ne méritait pas de rater les séries éliminatoires, m’a déjà dit Butch Bouchard au salon des Anciens. Si Maurice avait participé aux séries, nous aurions gagné la coupe Stanley».

Cette année-là, le Canadien a perdu le septième match de la finale contre Détroit. S’il avait gagné, cela aurait été l’amorce de six conquêtes de la coupe Stanley.

Bernard Geoffrion, Dieu ait son âme, s’est retrouvé bien malgré lui au coeur de la tempête. Les trois derniers matchs du calendrier lui ont permis de devancer le Rocket et d’enlever son premier trophée Art Ross. De nombreux partisans lui en ont tellement voulu qu’ils l’ont hué copieusement en plein Forum.

Bien sûr, le Boomer ne pouvait pas lancer à côté de la cible pour faire plaisir à la foule. Maurice était son idole, mais il devait aussi penser à l’équipe. Il a eu beaucoup de mal à digérer cet épisode de sa carrière.

Maurice et Gordie

On pourrait parler de l’émeute encore longtemps. Pour clore, je reviendrai sur les commentaires de l’ancien arbitre Red Storey lors d’un voyage dans l’Ouest canadien.

«Maurice Richard était l’idole du Québec parce qu’il était un joueur très particulier, m’avait-il dit. Entre la ligne bleue et le filet adverse, personne n’arrivait à sa cheville. Le Rocket avait le don de faire courir les foules partout à travers la ligue, beaucoup plus que Gordie Howe qui était pourtant un joueur plus complet. Avec Maurice, tu en avais toujours pour ton argent».

Durant les années 1950, Richard était l’idole de sa province et Howe celle du Canada anglais. Ils étaient des ennemis jurés dans le feu de l’action, mais se vouaient un respect mutuel. Avec son impressionnante feuille de route et ses nombreux records (par la suite battus par Wayne Gretzky), Howe a mérité le sobriquet de Monsieur Hockey. Pour ce qui est Richard, il suffit de penser à l’ovation qu’il a reçue lors de la fermeture de l’ancien Forum pour comprendre l’impact qu’il a eu sur son sport et sur ses compatriotes.

P.S. Zéro en quatre contre TAMPA BAY. Non, c’est pas fort! Et ce ne sera pas plus facile à MIAMI, ce soir. Les Panthers luttent avec l’énergie du désespoir pour se tailler une place dans les séries.