Samedi dernier, j’ai pris la route de Trois-Rivières pour assister à l’hommage posthume en mémoire de Jean-Pierre Roy, ex-lanceur étoile des Royaux de Montréal et ancien commentateur des matchs des Expos à la radio et à la télévision.
Évidemment, les plus jeunes n’ont pas connu Jean-Pierre même s’il est une véritable légende au Québec. En 1945, après ses 25 victoires dans l’uniforme des Royaux, il était aussi populaire que
Maurice Richard et le lutteur Yvon Robert, ce qui n’est pas peu dire. Les amateurs de sport d’un certain âge (pour ne pas dire un âge certain) ne l’ont pas oublié. D’ailleurs, il fut un temps où Jean-Pierre était mieux connu que la majorité des joueurs des Expos.
Jay-Pee est mort en Floride à la fin du mois d’octobre. Il avait 94 ans. Avec la vie qu’il a menée, on pourrait dire qu’il a été béni du ciel de se rendre aussi loin. Il avait cependant une santé de fer et il était habité par une très grande soif de vivre.
Jane Duval, sa compagne des 25 dernières années, a choisi d’attendre au printemps pour ramener les cendres au Québec et lui rendre un hommage bien senti. Au cas où vous ne le sauriez pas, elle est la soeur de l’ex-commentateur sportif Lionel Duval. Celui qui faisait les annonces de Pepsi avec Claude Meunier, vous vous rappelez? Jane est aussi la reine de la galette au sarrazin.
Parmi la centaine d’invités, il y avait l’ex-défenseur Jean-Guy Talbot, l’homme d’affaires André Young et Paul Desmarais, auteur de la biographie de Jean-Pierre. C’est Rosie Lafrance-Marcotte, petite-fille de Jane, qui a volé la vedette en interprétant magnifiquement deux chansons de circonstances. La Ratatouille a du talent.
Maintenant, je sais
J’avais 21 ans lorsque j’ai connu Jean-Pierre Roy et il en avait presque 50. Malgré la différence d’âge, nous sommes vite devenus de grands amis. Nous avons fait des voyages inoubliables ensemble, spécialement à Chicago du temps où il n’y avait pas de réflecteurs au Wrigley Field. Nos soirées étaient bien arrosées au Italian Village, chez Victor Hugo, au Iron Pot de San Francisco ou encore au chic Mamma Leone, en plein coeur de Manhattan. Et que dire de nos fiestas à Daytona et à West Palm Beach durant les camps d’entraînement des Expos?
Jean-Pierre connaissait tout le monde dans le baseball: Leo Durocher, Walter Alston, Preston Gomez, Dick Williams, Jackie Robinson, Harry Walker, Sparky Anderson, Joe Garagiola, Chuck Connors et j’en passe. Pour avoir joué au Mexique et à Cuba, il s’exprimait parfaitement en espagnol et il avait aussi l’avantage de dialoguer avec les Latinos.
Il avait du style, du panache, et il était toujours tiré à quatre épingles. Il était si heureux que John McHale l’ait sorti de Las Vegas en lui offrant un poste de commentateur.
J.P. n’était pas seulement un joueur de baseball. Il était aussi aventurier, poète et chanteur. Avec lui, on ne s’ennuyait jamais. Une seule chose lui faisait peur: le froid de janvier et les tempêtes de neige. Il n’existait pas de pays trop chaud pour lui.
«La vie, l’amour, l’argent, les amis et les roses. On ne sait jamais le bruit ni la couleur des choses. C’est tout c’que j’sais, mais ça, j’le sais». Il savait pas coeur les paroles de Jean Gabin et elles lui servaient d’inspiration à l’automne de sa vie.
Aux Suites de Laviolette, en voyant les photos de sa jeunesse et de sa carrière défiler sur écran géant, on pouvait l’entendre chanter Gabin. Bravo à Jane, à sa fille Suzanne et à son fils Guy pour les beaux souvenirs.
S’il avait pu prendre la parole, Jean-Pierre nous aurait dit: «Merci de m’avoir accompagné durant toutes ces années et sachez profiter de chaque moment qui passe. La vie, ça passe très vite… même quand on réussit à se rendre à 94 ans».