SHERBROOKE— Mes excuses à ceux et celles qui ne l’ont pas connu, mais la carrière de Gilles Dubé mérite d’être racontée.
Ancien joueur étoile de la Ligue Senior du Québec à Sherbrooke et à Shawinigan, Gilles a failli crever ce printemps, mais le Seigneur n’était pas encore prêt à l’accueilir et il remonte graduellement la pente. Mercredi, il a frappé ses premières balles de la saison sur le parcours de Milby où il est membre depuis 1964. Du haut de ses 88 ans, il était heureux comme un enfant à qui on vient d’acheter un premier vélo.
Normalement, Gilles aurait fait carrière dans la Ligue nationale, mais le Canadien et les Red Wings ne lui ont jamais fourni l’occasion d’afficher son talent. C’était l’époque où le joueurs de hockey gagnaient des salaires ridicules (environ 100 piastres par partie) et n’avaient aucun recours face aux riches et puissants propriétaires du circuit Campbell. Il a quand même aidé les Red Wings à gagner la coupe Stanley au printemps 1954 et il a reçu sa bague… 55 ans plus tard!
«On se faisait humilier et on n’avait pas le droit de réplique, dit-il la gorge serrée. Nous étions un peu comme des esclaves. Frank Selke a respecté mon contrat, mais DICK IRVIN ne m’a pas donné la chance de me faire valoir. Il préférait les joueurs de l’Ouest canadien même s’ils avaient moins de talent que les Québécois. Je ne suis pas le seul à avoir subi un tel traitement. Il y en a eu d’autres avant et après moi. C’est pourquoi j’ai tellement de respect pour MAURICE RICHARD et son frère Henri. Ils ont mangé leur pain noir et ils ont trimé dur pour se faire un nom dans un tel contexte».
À Détroit, Dubé a mérité la confiance de l’entraîneur Tommy Ivan. Il a même participé au jeu de puissance dans le 7e match de la série finale et il est venu à un cheveu de marquer le but gagnant, mais son séjour dans la ville de l’automobile a été de courte durée. Comme tant d’autres, il a dû rebrousser chemin et faire carrière dans une ligue inférieure.
Avec Tony Demers
À Shawinigan, Dubé a remporté le championnat des marqueurs en suivant le conseils du joueur-entraîneur ROGER LÉGER. Ancien défenseur du Canadien, Léger était une force de la nature et connaissait son hockey sur le bout des doigts. «Le meilleur coach que j’ai eu dans ma vie», dit-il.
Avec le Saint-François de Sherbrooke, il a formé un trio du tonnerre avec Adjutor Côté, de Québec, et le légendaire TONY DEMERS, ancien coéquipier du Rocket. Une année, ils ont marqué pas moins de 130 buts.
«Tony était si fort qu’il ne connaissait pas sa force, rappelle Dubé. Il était aussi un joueur de hockey fantastique. Son tir puissant et précis faisait frémir les gardiens de but partout à travers la ligue. Un soir, il a marqué cinq buts de façons différentes contre Gerry McNeil, du Royal Senior. Je l’ai aussi vu battre Ottawa à lui tout seul après avoir célébré toute la nuit. Tony était un parfait gentilhomme en dehors de la glace, sauf s’il prenait un verre de trop. Ça lui a causé de sérieux ennuis».
À l’automne 1949, Demers a été condamné à 15 ans d’emprisonnement pour homicide involontaire après une dispute avec son amie de coeur dans la région de Coaticook. Il a purgé six ans de prison, puis il a gagné sa vie avec la compagnie de sel Sifto. J’ai eu la chance de lui parler deux ou trois ans avant sa mort dans le salon des Anciens Canadiens. Je n’oublierai jamais à quel point Maurice Richard était content de le revoir.
Au milieu des années 1960, Gilles Dubé avait rangé ses patins pour de bon lorsqu’il a décidé d’effectuer un retour au jeu avec son bon ami Robert «Bob) Bédard, champion canadien de tennis. Ensemble, ils en ont fait la pluie et le beau temps contre les meilleures équipes intermédiaires de la région. Il a ensuite fait carrière comme aubergiste dans le secteur de Fleurimont.
Bob Bédard excellait dans tous les sports. Je me souviens de l’avoir vu à l’oeuvre dans un match de fastball à Asbestos. Il a frappé la balle si loin qu’on la cherche encore!
Du jeu créatif
«Je peux difficilement parler de hockey avec les jeunes d’aujourd’hui, avoue Dubé. Le jeu a changé, l’équipement aussi. La vie n’est plus la même. Les gardiens de but sont plus gros, plus grands et beaucoup mieux protégés que dans mon temps. Il n’y a presque plus d’espace pour trouver le fond du filet.
«À mon humble avis, il y a trop d’équipes qui préconisent un style de jeu défensif et ennuyant. J’aime les clubs qui contrôlent la rondelle et font preuve d’imagination, comme les Blackhawks et Tampa Bay».
Durant sa jeunesse, Gilles Dubé a aussi joué au baseball dans la Ligue Senior provinciale à l’époque des Sal Maglie, Max Lanier, Vic Power, Danny Gardella, Quincy Trouppe, Roland Gladu et Stan Bréard. Il connaît ce sport quasiment aussi bien que le hockey.
Que c’est donc plaisant de discuter avec un homme qui possède autant de vécu!