Jean-Pierre Roy: le grand aventurier du baseball

Mardi, un peu après l’heure du midi, j’ai passé un coup de fil à Jean-Pierre Roy pour lui souhaiter bonne fête à l’occasion de son 92e anniversaire de naissance. Ce n’était rien pour me sentir rajeunir!

L’ancien lanceur étoile des Royaux de Montréal est établi en Floride avec sa belle Jane depuis déjà une vingtaine d’années et ne reviendra sans doute jamais au Canada. Il désire profiter des quelques années qu’il lui reste (espère-t-il) sous la surveillance d’un médecin en qui il a pleinement confiance. Malgré son amour du Québec, «Jay-Pee» a toujours été plus heureux sous les chauds rayons du soleil que les deux pieds dans la neige.

Jean-Pierre Roy

Jean-Pierre Roy a marqué l'histoire du baseball à Montréal. Maintenant âgé de 92 ans, il profite de ses vieux jours sous le ciel de la Floride.

«Ma santé va beaucoup mieux et je me considère très chanceux, dit-il. J’ai été victime de deux cancers (colon et prostate), mais j’ai réussi à m’en sortir. Je me sens merveilleusement bien. Cependant, je dois réduire considérablement mes activités. Après tout, je n’ai plus 25 ans!

«Lorsque je pense à mon beau-frère Lionel Duval, immobilisé par la maladie de Parkinson, je me trouve doublement chanceux».

J’ai connu Jean-Pierre à l’époque où nous étions attachés à la couverture des Expos, lui à la télé et moi pour un certain journal. Ce que nous avons pu nous amuser aux quatre coins de l’Amérique et plus spécialement à Chicago où les Expos disputaient leurs matchs en matinée. Nos deux restaurants préférés étaient le Victor Hugo et l’Italian Village. Avec Jean-Paul Sarault dans les parages, nous quittions rarement les lieux avant la fermeture.

Nous avons eu d’autres soirées mémorables pendant les camps d’entraînement en Floride et lors de nombreux tournois de golf au Québec. Jean-Pierre adorait la vie. Un petit verre derrière la cravate, il nous interprétait avec ferveur les chansons qu’il avait apprises du temps où il jouait au Mexique, à Cuba et sur la Côte du Pacifique. Un parfait crooner!

Vers la fin de la conversation, Jean-Pierre s’est informé d’André Bessette, ex-lanceur des Alouettes de Sherbrooke, et de Jeannine Ellyson, veuve du regretté Yvon Ellyson. Il m’a aussi demandé de saluer ses amis aux quatre coins de la province.

CARRIÈRE MOUVEMENTÉE

Ancien étudiant au Collège L’Assomption, Roy a vécu son heure de gloire quand il a remporté 25 victoires dans l’uniforme des Royaux de Montréal en 1945. Il était alors aussi populaire que Maurice Richard ou le lutteur Yvon Robert, ce qui n’est pas peu dire.

L’année suivante, il a été le coéquipier de Jackie Robinson durant quelques mois, puis il a pris la route du Mexique et de la Californie. Il a aussi passé un été chez les Canadiens de Saint-Jean avec ses copains Stan Bréard, Roland Gladu et Paul Martin. Le préposé aux bâtons était un certain Claude Raymond.

Jackie Robinson

Jackie Robinson a été le coéquipier de Jean-Pierre Roy chez les Royaux de Montréal en 1946. À cause de sa force de caractère, Robinson était le choix de Banch Rickey, des Dodgers de Brooklyn, pour faire tomber la barrière raciale.

Jean-Pierre possédait un bras de caoutchouc, tant et si bien qu’il a lancé deux parties le même jour pour les Royaux. Il en a gagné une et perdu l’autre. Si on avait besoin de lui en relève, il était toujours prêt à grimper sur la butte. Il misait sur une excellente courbe pour appuyer sa balle rapide. Il n’était cependant pas un modèle de discipline à l’extérieur du losange et c’est sans doute ce qui explique son bref séjour dans l’organisation des Dodgers.

Il faut dire que les occasions étaient belles du temps où il jouait sous les ordres de Bill Rigney à Hollywood. Un soir, il a été vu en train de chanter dans un club de nuit et on l’a invité à poursuivre sa carrière en Alabama, ce qu’il a évidemment refusé net, frette sec.

«J’étais bon lanceur, mais j’étais d’abord un aventurier, avoue-t-il. Le baseball m’a permis de connaître les plus grands noms du sport et du show business. J’ai côtoyé Leo Durocher et lancé contre le grand Joe DiMaggio. Je remercie le ciel pour tous ces merveilleux souvenirs».

Après sa carrière de lanceur, il a été croupier et agent immobilier à Las Vegas durant 10 ou 12 ans. Il était fou de joie le jour où John McHale, ancien rival chez les Bisons de Buffalo, lui a offert de rentrer à Montréal pour agir comme analyste à la radio et à la télévision. Raymond Lebrun et le regretté Guy Ferron ont été ses professeurs. Il a aussi travaillé avec Camille Dubé et Pierre Dufault.

Un soir, dans un moment d’égarement, il nous a dit que le vent était immobile. Je me sers encore de sa phrase sur les parcours de golf.

Une autre fois, pris de court, il nous a appris que le drapeau papal flottait au fond du champ centre! On en rit encore.

Roy était mieux connu que la majorité des joueurs des Expos. Parmi ses favoris, il y avait Gary Carter, Rusty Staub et Bill Stoneman. Plusieurs années après sa retraite du micro, on lui demandait s’il voyageait encore avec les Expos.

À la fin des années 1980, Jean-Pierre l’a échappé belle dans un accident de la route survenu dans la région de Joliette. Il a été sauvé par son coussin gonflable, mais son ami «Ti-Lou Duranceau» a été moins chanceux et il est mort sur le coup.

Ainsi donc, le rideau tombe lentement sur une vie drôlement bien remplie. Peu de gens ont vécu aussi longtemps et aussi intensément. Bravo «Jay-Pee» et sois heureux sous le ciel de la Floride!