L’histoire incroyable du receveur Moe Berg

Un joueur de baseball pas comme les autres

Lorsque Babe Ruth et Lou Gehrig ont fait une tournée du Japon avec une équipe d’étoiles en 1934, les amateurs se demandaient pourquoi Moe Berg, un receveur de troisième classe, faisait partie du groupe.

Berg a évolué pour cinq équipes des ligues majeures entre 1923 et 1939, mais il était un joueur médiocre. En 663 parties, il a frappé seulement six coups de circuit et il a conservé une moyenne au bâton de ,243. Cependant, il était considéré comme le joueur le plus intelligent de sa génération, peut-être même de tous les temps. Casey Stengel, légendaire gérant des Yankees, a dit de lui: «Moe est le gars le plus étrange à avoir joué au baseball».

Morris (Moe) Berg: receveur et espion.

Morris (Moe) Berg: receveur et espion.

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Si Berg a fait le voyage au Japon, c’est pour une raison bien simple. Il n’était pas seulement joueur de baseball. Il était également ESPION pour le Bureau des services stratégiques des États-Unis, ce qui allait devenir plus tard la CIA. Il parlait 15 langues, y compris le japonais, et il avait deux passions: le baseball et l’espionnage.

Une fois rendu au Japon, il s’est procuré un kimono pour aller porter des fleurs à la fille d’un diplomate américain à l’hôpital Saint-Luc. C’était alors l’édifice le plus haut de Tokyo. Bien sûr, il avait une autre idée en tête. Sans faire de bruit, il a grimpé sur le toît de l’hôpital et il a filmé les endroits stratégiques de Tokyo comme le port maritime, les installations militaires, la gare de chemins de fer, etc.

Quelques années plus tard, le général Jimmy Doolittle a étudié les films de Berg avant de planifier le raid sur Tokyo.

Il parlait 15 langues

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. À l’école secondaire, Berg a étudié le latin, le grec et le français. Il lisait aussi une dizaine de journaux par jour. Plus tard, il a gradué de Princeton avec grande distinction après avoir appris l’espagnol, l’italien, l’allemand et le sanskrit. Il a ensuite été étudiant à La Sorbonne (Paris) et à l’École de droit de Columbia où il a ajouté le japonais, le chinois, le coréen, l’indien, l’arabe, le portugais et l’hongrois à son répertoire de langues. En tout et partout, il parlait couramment 15 langues en plus de quelques dialectes régionaux.

Quand il jouait au baseball à Princeton, Berg s’amusait à décrire les jeux en latin et en sanskrit (langue sacrée en Inde). Une bolle, qu’on vous dit.

Parachuté en Yougoslavie

Durant la deuxième Guerre mondiale, il ne s’est pas fait prier pour entrer dans l’action. Il a été parachuté en Yougoslavie pour évaluer l’effort de guerre des deux groupes de partisans. Il a conclu que les forces du maréchal Tito jouissaient de l’appui de la population en général, ce qui a eu pour effet de convaincre Churchill d’appuyer le camp yougoslave plutôt que les Serbes de Mahajlovic.

Durant la même année, Berg est entré secrètement en Norvège et il a localisé le plan d’eau où les Nazis tentaient de fabriquer la bombe atomique. Son information a permis à la Royal Air Force de bombarder et de détruire les installations.

Il s’est ensuite rendu en Suisse pour en savoir davantage sur les progrès réalisés par les Nazis dans la course à la bombe atomique. Il s’est fait passer pour un étudiant suisse afin d’écouter le discours du physicien Werner Heisenberg, gagnant du Prix Nobel.

On raconte qu’il avait un pistolet dans les poches et une pilule de cyanure. Il aurait pu tirer sur Heisenberg, puis se suicider, mais il n’a pas eu à le faire quand il a réalisé que les Nazis étaient encore loin de leur objectif. Il a plutôt  félicité Heisenberg pour son discours avant de l’accompagner jusqu’à son hôtel.

Le rapport de Berg a été remis au premier ministre Winston Churchill et au président Franklin D. Roosevelt. Ce dernier a répondu en disant: «Envoyez mes salutations au receveur!»

La plupart des grands physiciens allemands étaient Juifs. Dès qu’ils ont pu, ils se sont enfui en Angleterre ou aux États-Unis.

Après la guerre, Moe Berg a mérité la médaille de la Liberté, le plus grand honneur pour un citoyen américain. Il a refusé cet honneur parce qu’il ne pouvait pas raconter ses exploits comme espion. Après sa mort en 1972), sa fille a accepté la médaille. Elle est maintenant exposée au Panthéon du baseball à Cooperstown.

Sa carte de joueur de baseball est exposée au quartier général de la CIA à Washington.

P.S. Merci à mon ami Claude H. Dumontier, de Labelle, pour cette histoire très spéciale.