Émile (Butch) Bouchard, qui vient de mourir à l’âge de 92 ans, a été un géant dans l’histoire du Canadien et un grand capitaine, mais aussi un homme d’affaires averti et un bon père de famille.
La première fois que je lui ai parlé, c’était sur l’avenue Collins à Miami. Je couvrais alors le camp d’entraînement des Expos et mon patron Jacques Beauchamp avait pris le temps de m’expliquer toute l’importance de cet homme, tant sur la patinoire que dans la vie de tous les jours.
Si vous avez vu le film sur la vie et la carrière de Maurice Richard, vous avez sans doute remarqué que Butch Bouchard était un leader naturel. Même s’il n’était pas le patineur le plus élégant, il était le général à la ligne bleue, toujours prêt à défendre un coéquipier s’il était mal pris. Il était aussi capable de grimper au deuxième étage du Forum et de négocier serré avec Frank Selke pour obtenir une augmentation de salaire.
Il était fier de ses origines et ne se gênait pas pour défendre la cause des Canadiens-Français à une époque où les dirigeants du Tricolore avaient un faible pour les joueurs de l’Ontario et de l’Ouest canadien.
Gordie Howe a dit de lui qu’il était la «pierre d’assise» du Canadien à la fin des années 1940 et au début des années 1950. Difficile de trouver plus beau compliment.
QUATRE COUPES STANLEY
Butch Bouchard a joué pour le Canadien pendant 15 ans et il a aidé son équipe à gagner quatre coupes Stanley (1944, 1946, 1953 et 1956). Il était fort comme un boeuf, solide au bout du poing, et il détestait la défaite. Avant l’arrivée de Red Kelly et de Doug Harvey, il a été élu trois fois dans la première équipe d’étoiles et une fois dans la deuxième. Ses efforts lui ont valu d’être élu au Panthéon du hockey en 1966 et son chandail a été hissé dans les hauteurs du Centre Bell lors des cérémonies entourant le centenaire du Canadien, 43 ans plus tard.
On se souvient aussi de lui pour son «steak house» à l’angle de la rue Saint-André et du boulevard de Maisonneuve. Son restaurant a longtemps été le rendez-vous des joueurs du Canadien. Dickie Moore disait récemment qu’il s’ennuyait de l’époque où ses coéquipiers et lui faisaient la fête chez Butch après un long voyage en train.
Émile Bouchard s’est aussi impliqué socialement. Il a été président des Royaux de Montréal et des Ducs de Longueuil en plus de s’impliquer personnellement dans la construction de l’Académie Roussin dans l’est de la métropole.
Il possédait une mémoire d’éléphant et il était un excellent raconteur. Chaque fois que je lui ai demandé des informations sur les Glorieux, il a été d’une grande générosité. Il possédait aussi un sens de l’humour qu’il n’a pas manqué de transmettre à ses enfants.
Un soir, à Chicago, il a passé deux fois le K.-O. à un certain John Mariucci. Après le match, Mariucci s’est rendu à l’hôtel du Canadien pour lui serrer la main et le féliciter de ses talents de pugiliste!
Jean Béliveau, considéré à juste titre comme le plus grand capitaine des Glorieux, a toujours dit qu’il s’était inspiré de Butch Bouchard pour établir le lien entre les joueurs et la direction de l’équipe.
Voilà. J’espère que ces quelques paragraphes dépeignent assez bien le personnage. Permettez-moi en terminant d’offrir mes plus sincères condoléances à sa tendre épouse, Marie-Claire, et à ses cinq enfants: Émile Jr., Jean, Michel, Pierre et Susan.