Dernier né d’une famille de 15 enfants, Jacques B. Côté est une légende à Drummondville et un peu partout à travers la province.
Le B, c’est pour Baloune, un surnom qui lui colle à la peau depuis sa tendre enfance même s’il est aujourd’hui aussi élancé que Louis Morissette ou Louis-José Houde.
Jack s’amuse à raconter qu’il a été «shoeshine boy» et qu’il a livré du lait avec une charette tirée par des chevaux avant de devenir musicien, aubergiste, président des Royaux de Drummondville, vendeur de montures de lunettes et quoi encore. Il n’a jamais été millionnaire, mais il a toujours vécu comme s’il l’était. À l’écouter parler, il a tellement bourlingué qu’il est rendu à 125 ans!
Jack était asez bon joueur de tambour pour monter sur la scène du Carnegie Hall à New York. Il a aussi travaillé pour Jean-Claude Duvalier à Haïti. Plus tard dans sa vie, il s’est lié d’amitié avec le défenseur Jean-Claude Tremblay et l’a fait rire aux larmes, entre deux scotchs, sur les rives du Memphrémagog.
Le soir où son vieux pote Réjean Bergeron a pris officiellement sa retraite chez Molson, Jack s’est pointé au micro pour le «toaster des deux côtés» et il a été tellement drôle que l’orateur suivant (Michel Beaudry) a dit: «Faites-moi plus jamais passer après ce gars-là!»
Une dette à payer
J’ai revu Baloune à La Cantina, la semaine dernière. Il porte très bien ses 72 ans, mais ne cache pas son inquiétude quand il voit ses copains tomber comme des mouches à gauche et à droite.
Entre deux gorgées de rouge, il m’a raconté le gala de lutte qu’il avait organisé à Drummondville à la fin des années 1960 pour effacer la dette de 8000$ de son club de baseball. C’était une grosse somme à l’époque. La finale de la soirée opposait nul autre que le légendaire Johnny Rougeau au «méchant» Michel (Justice) Dubois.
«L’inimitable Eddy Creatchman est venu passer trois jours à Drummondville et il a tellement insulté les villageois sur les ondes de la radio locale qu’on a dû refuser du monde aux guichets, rappelle-t-il. Eddy disait que les rues de Drummondville n’étaient pas assez larges pour qu’il puisse circuler avec son Cadillac!
«Avant même que la cloche sonne le début du combat, Justice avait déchiré la belle chemise neuve de l’annonceur-maison Denis Duchaine. Les gens en ont eu pour leur argent, mais le combat s’est terminé dans un «free-for-all» et il n’y a jamais eu de vainqueur. C’était pas grave, notre dette était payée!»
Pour Rougeau et Dubois, il s’agissait d’un match préparatoire à celui qui serait présenté au parc Jarry quelques semaines plus tard. En ce temps-là, les «as du matelas» attiraient partout des foules considérables et ils étaient aussi populaires que bien des joueurs du Canadien.
J’aurais aimé poursuivre la conversation, mais l’ami Jack veille moins tard qu’avant. On se reprendra lorsque les bancs de neige auront fondu.