Lorsqu’un défenseur se fait comparer à Bobby Orr pour l’ensemble de son oeuvre, cela signifie sans équivoque qu’il a été un très grand joueur.
C’est le cas de GUY LAPOINTE qui aura finalement le bonheur de rejoindre ses amis Serge Savard et Larry Robinson dans les hauteurs du Centre Bell.
À son apogée, Pointu pouvait tout faire sur la patinoire: contrer les attaques ennemies, bloquer des rondelles, appliquer de solides mises en échec, orchestrer l’attaque à cinq, tuer les punitions, jeter les gants lorsque c’était nécessaire et marquer le gros but pour donner la victoire à son équipe.
Un ancien du Centre Immaculée-Conception, Pointu était aussi un formidable gars d’équipe et un champion joueur de tours dans le style de Jean-Guy Talbot.
En apprenant que son chandail serait retiré par le Canadien, j’ai tout de suite pensé à un voyage en Californie à la fin des années 1970. Les joueurs de Scotty Bowman profitaient alors d’une couple de journées de congé à Squaw Valley, ancien site des Jeux olympiques d’hiver (1960).
N’ayant jamais eu l’occasion de patiner en haute altitude, j’avais emprunté les patins de Jacques Lemaire, une rondelle et le bâton de je-ne-sais-plus-trop-qui. À mon retour au vestiaire, quelle ne fut pas ma surprise de constater que mes souliers étaient remplis de crème à barbe et mes «rubber shoes» découpés en petits morceaux. Je n’avais pas besoin de me lancer à la recherche du coupable. C’était du Pointu tout craché.
Une autre fois, lors d’un match des Légendes à Verdun, je lui ai encore servi de victime. Pendant que j’interviewais Guy Lafleur, Gilbert Perreault et leurs coéquipiers, Lapointe s’amusait à saupoudrer mon beau manteau neuf de poudre à bébé!
On pourrait parler de ses coups pendables pendant des heures. Quand un gars est capable de se mettre la main dans un pot de vaseline avant de serrer la pince au premier ministre Pierre Elliott Trudeau, il est capable d’à peu près n’importe quoi.
Plus 329
Je vous ferai grâce de toutes les statistiques concernant Guy Lapointe. Les chiffres ne disent jamais tout. Il suffit de savoir qu’il détient encore la marque de 28 buts par un défenseur du Canadien, qu’il était utilisé à toutes les sauces et qu’il a terminé sa carrière avec une différentiel de + 329.
En fin de match, lorsque le Canadien avait besoin d’un but pour niveler la marque, Pointu était souvent utilisé comme joueur d’avant à cause de son coup de patin et de la précision de son tir. La tactique a fonctionné à maintes reprises. Le mot «pression» ne l’effrayait pas.
Il faut ajouter qu’il jouait régulièrement avec le quatrième et le cinquième défenseur du Canadien pendant que Savard et Robinson formaient l’autre duo. Et quand il commençait à faire chaud dans la cuisine, les trois membres du Big Three se partageaient le boulot.
Guy Lapointe a joué un rôle important dans la Série du Siècle (1972) et dans le premier tournoi de la Coupe Canada (1976). Il a aussi contribué directement à six conquêtes de la coupe Stanley.
Comme tant d’autres avant et après lui, il a connu une dure fin de carrière. Il avait ralenti et il était aux prises avec un divorce. Une fois parti de Montréal, il n’a jamais été le même joueur, mais ça ne ternit pas le reste de sa carrière. Bobby Orr, les genoux en compote, n’a-t-il pas été obligé d’aller finir sa carrière à Chicago après s’être fait jouer dans le dos par Alan Eagleson?
Ce que j’aime par dessus tout chez Lapointe, c’est son sens de l’humour et sa grande simplicité. Il ne s’est jamais pris pour un autre et n’a jamais pleurniché parce que ses amis avaient été honorés avant lui. Il était même un peu gêné lorsque sa fille a lancé une pétition sur Internet pour mousser sa candidature, l’an passé.
J’ai écrit à maintes reprises que Pointu méritait les mêmes hommages que ceux rendus à Savard et Robinson. Justice est finalement rendue. Bravo à Geoff Molson et à toute l’organisation du Canadien. Ce sera une grande fête lorsque les trois champions se retrouveront au centre de la patinoire.