Comme la majorité des Québécois, l’ex-journaliste sportif Claude Bédard souhaite le retour éventuel des Nordiques, mais il est persuadé que cela demeure une aventure périlleuse.
Dans un échange de courriels, il offre de très bons arguments que je souhaite partager avec vous. Voici donc sa lecture de la situation:
«Québec a-t-elle des chances de ravoir une équipe de la LNH? Oui. D’ailleurs, 75% des Québécois le souhaitent et, après Seattle, les joueurs suggèrent Québec comme une destination privilégiée dans le cadre d’une expansion projetée.
«Une équipe à Québec est-elle viable? NON. Pas avant plusieurs années, voire une génération complète, et ce pour des raisons évidentes.
«La grande région de Québec compte maintenant près de 800 000 habitants et le PIB (produit intérieur brut) a progressé de 9% en quelques années, mais le PROFIL reste le même. Québec demeure une ville de services dans une proportion de 80% et sa main-d’oeuvre est diplômée à 84,4%. En même temps, c’est la ville qui VIEILLIT le plus rapidement au Canada et même dans la province de Québec.
«Ce phénomène cause des maux de tête aux entrepreneurs. Leur chiffre d’affaires en souffre à cause de la rareté de la main-d’oeuvre. L’immigration est plutôt mitigée dans un milieu tout blanc, totalement francophone et majoritairement de la même religion. Les immigrants descendent à Québec au compte-goutte.
Bettman n’est pas pressé
«Lorsque les Nordiques ont été vendus 75M$ (U.S.) en 1995, le président Marcel Aubut avait pris soin de mettre tous les joueurs sous contrat. Au total, la masse salariale de l’équipe s’élevait à seulement 17M$. Aujourd’hui, le plancher salarial s’élève à 53M$ et le plafond à 69M$. Ces chiffres sont appelés à progresser au rythme de la vitalité du circuit.
«On peut comprendre que Gary Bettman n’est pas pressé de bouger. Sa ligue présente un chiffre d’affaires de 4 milliards et les visées ne diminuent pas.
«Dans un amphithéâtre de 18 482 fauteuils et doté de 80 loges corporatives, il faut retenir que c’est encore LA CLASSE MOYENNE de la capitale qui soutiendra l’équipe. Les sièges sociaux et le nombre de compagnies, à Québec, n’ont pas suffisamment augmenté pour refiler la majorité de la note aux haut-salariés du secteur privé.
«Le gouvernement et la fonction publique demeurent la BASE DE L’ÉCONOMIE de la ville et les nombreux millionnaires de l’État ne feront pas la différence. Trop d’indices le prouvent présentement.
«Cette situation sera problématique pour une future équipe. Surtout quand on sait qu’actuellement le prix moyen du billet à WINNIPEG, dans un marché voisin de celui de Québec, est de 99$.
«La classe moyenne, qui représente 80% de la clientèle des Nordiques, est déjà prise à la gorge par les nombreuses saignées d’un insatiable gouvernement. Et les jeunes de 25 à 34 ans, ces vrais mordus de hockey, ceux qui rêvent du retour de la Ligue nationale à Québec, sont les mêmes qui se plaignent actuellement de l’accès quasi-impossible à la propriété. Le choix entre le HOCKEY ET LA FAMILLE sera crucial.
Des poches profondes
«Je doute qu’un flamboyant amphithéâtre de 400M$, pourtant nécessaire dans une ville comme Québec, puisse solutionner tous les problèmes entourant le retour du hockey majeur.
«La bannière de QUEBECOR flottera sur l’amphithéâtre durant les 25 prochaines années, mais le nouveau propriétaire aura besoin d’avoir les poches très profondes pour tenir le coup le temps de bâtir une équipe championne.
«La convergence de ses produits apportera beaucoup d’eau au moulin, mais il faudra aussi affronter la GUERRE DES TÉLÉCOMMUNICATIONS qui remplacera celle du houblon en 1979. C’est déjà commencé.
«Bref, comme bien des gens, je souhaite le retour du hockey majeur à Québec, mais sa viabilité n’est pas garantie. Les Nordiques ont SURVÉCU pendant 16 ans à travers une politique de tordage de bras et avec des efforts surhumains de la part d’une équipe de travailleurs investis d’une foi indestructible et prêts à tout pour garder les Nordiques.
«Malgré tout ce qu’on peut penser, les 15 340 sièges du vieux Colisée n’étaient pas toujours vendus. Du rêve à la réalité, il y a un pas énorme à franchir».