Parmi mes plus beaux souvenirs de la coupe Stanley, il y a ces multiples affrontements entre le Canadien et les Bruins au vieux Garden de Boston.
La rivalité a toujours été féroce entre les deux clubs et l’ambiance qui régnait dans la «boîte d’allumettes» de la rue Causeway était pour ainsi dire indescriptible. Ceux qui ont vécu ces guerres-là ne pourront jamais les oublier.
Je vois encore Harry Sinden injurier les arbitres, Don Cherry grimper sur le banc des joueurs pour en faire autant et Nate Greenberg mâchouiller son gros cigare en se demandant ce qu’il fallait faire pour vaincre ces méchants Glorieux au moins une fois.
Greenberg était le relationniste des Bruins et un monsieur d’une extrême gentillesse. Chaque fois qu’il venait à Montréal, il allait manger un steak chez Moishe’s avec Tom Johnson et Harry Sinden. L’histoire ne dit pas ce qu’il faisait du reste de sa soirée.
Il y avait aussi Francis Rosa, un vieux journaliste fort sympathique qui était toujours content de revoir ses amis du Canada.
C’était l’époque où le Canadien gagnait plus souvent qu’à son tour, mais les Bruins avaient du coeur au ventre et lui donnaient du fil à retordre avec de dures mises en échec. Pour gagner à Boston, il fallait accepter d’en payer le prix.
C’est dans cette vieille bâtisse que Ken Dryden, ex-étudiant à Cornell, est devenu un super héros au printemps de 1971. On aurait dit un nouveau Jacques Plante en plus gros et plus grand.
C’est aussi là que le Canadien a effectué une des plus belles remontées de l’histoire des séries, effaçant un déficit de quatre buts avant de l’emporter 7-5 contre Bobby Orr et les Big Bad Bruins. À sa dernière saison avec le Canadien, Jean Béliveau a pris les choses en mains ce soir-là avec le soutien des Jacques Lemaire, John Ferguson, Henri Richard et Frank Mahovlich.
C’est aussi au Garden de Boston que Guy Lafleur a étalé tout son talent malgré les menaces de John Wensink qui voulait lui arracher la tête.
Je me souviens également de Mario Tremblay qui jouait avec toute la fougue de ses 19 ans, d’Yvon Lambert qui se plantait les deux pieds devant Gerry Cheevers et de Claude Mouton qui utilisait tout son vocabulaire pour stimuler le jeune Stéphane Richer.
Dans le camp des Bruins, après l’ère Orr-Esposito, il y avait Jean Ratelle, un mini Jean Béliveau, Brad Park, un merveilleux passeur, et Wayne Cashman, un ailier gauche au courage indomptable.
Un soir, les Bruins se sont tués à l’ouvrage pour battre l’équipe de l’Armée Rouge, mais Vladislav Tretiak s’est dressé devant eux comme le mur de Chine. On aurait dit la réincarnation de Terry Sawchuk.
Bien sûr, c’est dans le vieux Garden que Pierre Bouchard a perdu son furieux combat contre Stan Jonathan. La bataille n’a duré qu’une vingtaine de secondes, mais on en parle encore 34 ou 35 ans plus tard. Comme si Butch ne s’était battu qu’une seule fois durant sa carrière…
Un jour, il a fallu détruire le Garden pour en bâtir un plus moderne avec des loges corporatives et tout le tralala, mais le temps n’efface pas les souvenirs. Ils sont incrustés à jamais dans notre mémoire.