SHERBROOKE— On dit souvent que la gloire est éphémère et c’est bien vrai.
Il y avait très peu de monde au salon Steve Elkas pour rendre un dernier hommage à Normand (Ti-Nomme) Dussault, vendredi soir, mais il ne faut pas oublier qu’il a donné ses derniers coups de patin avec le Canadien au début des années 1950. Ça fait quand même plus de 60 ans!
Curieusement, c’est le Globe & Mail de Toronto, sous la plume de Tom Hawthorn, qui a le mieux souligné sa carrière de hockeyeur en lui consacrant trois-quart de page avec photo géante dans la section nécrologique (juste avant celle des sports). Une autre preuve de l’importance du Tricolore au Canada anglais.
Excellent patineur et travailleur acharné, Ti-Nomme n’a passé que quatre ans avec le Canadien (1947-51). C’était à une époque où il était très difficile de se tailler une place dans la Ligue nationale, surtout pour un francophone, et encore plus d’y rester longtemps.
Le jour où il s’est blessé au dos en donnant contre le poteau des buts, son contrat a été cédé aux Saguenéens de Chicoutimi et on ne l’a plus jamais revu avec le grand club.
Conseil du Rocket
C’est après avoir fait sensation dans l’uniforme des Tigres de Victoriaville (59 buts en moins de deux saisons) que Ti-Nomme Dussault a attiré l’attention du Canadien. Frank Selke lui a donné un essai de trois parties et l’a mis sous contrat après le deuxième match.
À cause de sa vitesse, il est vite devenu un favori de la foule dans le vieux Forum. Il pouvait se signaler aussi bien en attaque qu’en défense et il avait le don de marquer des buts importants. Il était petit de taille (cinq pieds six pouces, 150 livres), mais n’avait pas froid aux yeux. À son arrivée avec le Canadien, Maurice Richard lui avait dit: «N’aies pas peur. Il n’y a personne sur la patinoire qui se balade avec un fusil ou un couteau». Il y avait aussi le grand Butch Bouchard pour se porter à sa défense quand ça brassait un peu trop.
En mars 1948, il a passé quelques jours à l’hôpital après avoir encaissé une dure mise en échec de Bill Gadsby, des Blackhawks, mais il est revenu au jeu plus déterminé que jamais.
Ti-Nomme a connu son heure de gloire durant les séries de la coupe Stanley de 1950. Utilisé dans le premier trio à la gauche de Maurice Rchard et Elmer Lach, il a marqué trois buts contre Chuck Rayner, des Rangers. Toutefois, le Rocket a été limité à un seul but et le Canadien a perdu la série.
À son apogée, «The Mighty Mite» était parmi les patineurs les plus rapides de la ligue avec Milt Schmidt, des Bruins, et Max Bentley, des Blackhawks. Un journaliste de Toronto lui a rendu un bel hommage quand il a écrit: «Dussault tourbillonne autour des joueurs des Maple Leafs comme s’ils étaient immobiles».
«S’il avait eu les patins d’aujourd’hui, il aurait volé au-dessus de la patinoire», précise son frère Jean-Claude, l’ancienne voix du hockey et des courses sous harnais à Sherbrooke.
Ti-Nomme portait le numéro 22, un chandail qui a ensuite appartenu à Don Marshall, John Ferguson, Steve Shutt et Benoît Brunet. Son plus gros salaire a été de 8500$.
Autres sports
Dussault n’était pas seulement un bon joueur de hockey. Il a brillé au champ centre pour les Athlétiques de Sherbrooke dans la Ligue Senior provinciale. ll était aussi un joueur de billard retoudable et se débrouillait plutôt bien au golf, spécialement avec le fer droit. Au Vieux Lennox, il a même réussi un aigle sur une normale quatre en frappant un coup de la gauche et l’autre de la droite. Essaye-ça pour voir!
J’ai souvent croisé Ti-Nomme au 19e trou ou au salon des Anciens Canadiens. Il m’a aussi accordé une longue entrevue à son petit dépanneur de la rue Conseil. Il était d’une grande générosité et il adorait taquiner ses amis. Il était aussi un très bon père de famille, comme en témoignent sa fille Suzy et son fils Denis.
Je suis trop jeune pour avoir vu jouer Ti-Nomme avec le Canadien, mais je garde de lui un souvenir impérissable. Mes plus vives condoléances à son épouse Jeannine à toute la famille.