Pointu a sa place parmi les légendes du Canadien

Honnêtement, je n’ai pas l’intention de me lancer dans une croisade semblable à celle de Ron Fournier pour le retrait du chandail d’Émile (Butch) Bouchard. Je ne crois pas que ce soit mon rôle, mais je poursuivrai mes humbles démarches pour que le nom de Guy Lapointe soit immortalisé par le Canadien de Montréal.

Le micro en main quatre ou cinq soirs par semaine, Ron a profité de sa tribune et de sa notoriété pour vanter les mérites de l’ancien capitaine jusqu’à ce que la direction du Canadien lui donne raison. Je lui dis bravo.

Guy Lapointe

Membre du fameux Big Three, Guy Lapointe a joué un rôle majeur dans six conquêtes de la coupe Stanley entre 1971 et 1979. Son chandail numéro 5 devrait flotter au plafond du Centre Bell.

J’espère seulement que Geoff Molson lira cette chronique ou que quelqu’un dans l’organisation lui en fera part. Je souhaite aussi que d’autres journalistes emboîtent le pas dans le but de corriger une injustice flagrante. Ron le premier!

À mon avis, Guy Lapointe appartient aux légendes du Canadien de Montréal et son chandail numéro 5 devrait flotter au plafond du Centre Bell au même titre que ceux de Serge Savard et de Larry Robinson, les deux autres membres du célèbre «Big Three».

Voici les raisons qui justifient un tel hommage:

  1. Guy Lapointe pouvait se distinguer dans toutes les phases du jeu et Scotty Bowman n’hésitait jamais à faire appel à ses services en fin de match, que ce soit pour aller chercher le but égalisateur ou préserver une mince avance.
  2. En plus de savoir comment stopper l’adversaire, Pointu était un champion de la contre-attaque. Il a terminé sa carrière avec 171 buts et il en a préparé plus de 450 autres. Il a également connu trois saisons consécutives de 20 buts et plus entre 1974 et 1977.
  3. Il a joué un rôle majeur dans six conquêtes de la coupe Stanley durant les années 1970.
  4. Joueur de tours indomptable, il a longtemps été le boute-en-train de l’équipe. Sa seule présence dans le vestiaire permettait à ses coéquipiers de se détendre devant les situations les plus corsées.
  5. Avec une expérience limitée, il a pris la place de Jacques Laperrière et il a contribué largement à la victoire du Canada dans la Série du siècle (1972).
  6. Ken Dryden a dit de lui qu’il était le meilleur défenseur de la ligue après Bobby Orr. «Au début et au milieu des années 1970, Pointu était le meilleur après Orr, a-t-il écrit dans son livre The Game. Il était fort, patinait comme un engin et possédait un puissant tir. Il était explosif. Il jouait avec émotion et pouvait changer rapidement l’allure du match en notre faveur. À ne niveau, il était supérieur à Larry Robinson et à Denis Potvin». Ça en dit long sur notre champion!
  7. Lapointe a été aussi efficace dans les séries de la coupe Stanley, amassant 26 buts et 44 passes en 123 parties.
  8. Il a connu une triste fin de carrière à Saint-Louis et à Boston, mais ce n’est pas là-dessus qu’il doit être jugé. Plusieurs autres grands noms ont vécu une fin de parcours difficile.
  9. Il est allé à l’école de Jean-Claude Tremblay et il n’existait pas de meilleur professeur.
  10. Il travaille comme recruteur-chef pour le Wild du Minnesota depuis l’an 2000, mais il a encore le CH tatoué sur le coeur. C’est avec humilité et fierté qu’il accepterait un tel honneur.

Ça ne suffit pas comme explications? Je pense bien que oui. Allez, M. Molson. Analysez la situation avec vos proches conseillers et corrigez cette injustice le plus vite possible.

 

Phil Goyette se souvient de son échange aux Rangers

Les funérailles de Butch Bouchard m’ont permis de renouer avec plusieurs anciens membres du Canadien, dont Phil Goyette, un joueur de centre qui a évolué dans l’ombre de Jean Béliveau et d’Henri Richard avant de connaître beaucoup de succès dans l’uniforme des Rangers de New York et des Blues de Saint-Louis.

Phil Goyette

Phil Goyette a gagné quatre coupes Stanley avec le Canadien avant d'aller jouer à New York, Saint-Louis et Buffalo. Il a été échangé aux Rangers en compagnie de Jacques Plante en 1963.

De tous les athlètes que j’ai côtoyés durant ma carrière, Phil est sûrement un des plus sympathiques. Il est toujours de bonne humeur et il a toujours des choses intéressantes à raconter.

Natif de Lachine, il a passé 16 ans dans Ligue nationale après avoir fait ses classes avec le National Junior, les Mohawks de Cincinnati et le Royal Senior. Il était reconnu pour son intelligence sur la patinoire et ses passes savantes.

«Je l’appelle «Soft Hands» parce que j’ai rarement vu un joueur de hockey avec d’aussi bonnes mains, déclare Serge Savard. Phil n’a pas toujours reçu les éloges qu’il méritait».

ÉCHANGÉ AVEC JACQUES PLANTE

Goyette était avec le Canadien depuis six ou sept ans quand il a été échangé aux Rangers de New York en compagnie de Jacques Plante et de Don Marshall en 1963. En retour de ces trois joueurs établis, le Tricolore a obtenu Gump Worsley, Dave Balon, Léon Rochefort et Len Ronson.

«C’est un échange qui a fait beaucoup de bruit parce que Jacques Plante était alors le meilleur gardien de but de la Ligue nationale, rappelle Goyette. Ça me faisait de la peine de quitter Montréal, mais cette transaction a été bonne pour la suite de ma carrière. Les Rangers m’ont accordé plus de temps de glace et j’ai pu me faufiler parmi les meilleurs de ma profession».

Goyette a connu sa meilleure campagne avec les Blues de Saint-Louis en 1969-70. Il a terminé au quatrième rang des marqueurs, derrière Bobby Orr, Phil Esposito et Stan Mikita. Il a aussi mérité le trophée Lady Bing pour son comportement exemplaire sur la patinoire.

«Ça ne donne rien de regarder en arrière et de dire que le hockey était meilleur dans mon temps, ajoute-t-il. Tout était tellement différent. Avant la première expansion, on jouait 14 fois contre chaque équipe en saison régulière et ça favorisait les rivalités. Au printemps, seulement les quatre meilleurs clubs participaient aux séries de championnat. Nous connaissions très bien chacun de nos rivaux.

«J’ai eu la chance et le bonheur de gagner quatre coupes d’affilée avec une équipe extraordinaire. En 1960, nous avons balayé nos huit parties contre Chicago et Toronto. Nous avions trois trios capables de marquer des buts, Doug Harvey à la ligne bleue et Jacques Plante devant le filet. C’était le bon temps. On gagnait tout le temps et on était comme des frères».

Les séries de championnat ne s’éternisaient pas jusqu’au mois de juin. Durant la deuxième ou la troisième semaine d’avril, on connaissait les champions. Les joueurs profitaient ensuite de quatre ou cinq mois de congé avant de reprendre le collier, parfois avec quelques livres en trop.

Goyette se rappelle d’un match contre Détroit au cours duquel il a réussi le tour du chapeau. Maurice Richard a marqué deux fois ce soir-là et on lui a décerné la première étoile. Après le match, le Rocket est allé voir Goyette pour s’excuser. Il n’avait pourtant rien à voir avec le choix des étoiles.

En 1972, Goyette est devenu le premier entraîneur des Islanders de New York. Il n’avait presque rien entre les mains et il a dû céder sa place à Earl Ingerfield au bout de quelques mois. L’année suivante, Alger Arbour a hérité du poste et il a transformé peu à peu les Islanders en équipe gagnante grâce à d’excellents choix de repêchage (Potvin, Bossy, Trottier, Nystrom, Gillies et cie).

Goyette est rentré à Montréal et il a travaillé durant de nombreuses années pour une agence douanière. Il a aussi porté les couleurs des Anciens Canadiens aux quatre coins du pays. Il aura 79 ans cet automne, mais on ne lui donnerait jamais son âge. C’est toujours un plaisir de le revoir sur un terrain de golf ou au salon des Anciens Canadiens.

Souvenirs des séries: le Chicago Stadium

Quand il se plantait à la ligne bleue pour entendre l’organiste Al Melgard interpréter les hymnes nationaux, Gilles Marotte en avait la chair de poule. Pourtant, le gros Gilles n’était pas du genre nerveux.

Dans toute la Ligue nationale, il n’y avait pas d’endroit plus tonitruant que le vieux Chicago Stadium. Un vacarme à vous casser les tympans. Lorsque les Blackhawks s’élançaient à la conquête de la coupe Stanley, l’ambiance devenait électrisante, la foule survoltée.

Dans le temps, je suivais les Expos aux quatre coins de l’Amérique et Chicago était une de mes destinations préférées. D’abord à cause du Wrigley Field, d’Ernie Banks et de Ferguson Jenkins, mais aussi parce que tous les matchs des Cubs étaient présentés en matinée. Le soir, on pouvait faire la fête au Italian Village, chez Victor Hugo ou au George’s Steak House. Et Dieu sait qu’on ne s’est pas privé au fil des ans!

Bobby Hull

Bobby Hull a connu cinq saisons de 50 buts dans l'uniforme des Blackhawks et il a souvent fait vibrer le vieux Chicago Stadium.

Avec un patron comme Jacques Beauchamp, il n’était cependant pas question de se traîner les bottines ou de dormir sur ses lauriers. Au printemps, il m’arrivait donc souvent de couvrir le match des Expos en matinée, puis de sauter dans un taxi en direction du Chicago Stadium pour y faire un reportage sur les Blackhawks.

Y’a rien comme des journées de 14 ou 15 heures pour apprendre le métier.

C’est ainsi que j’ai pu voir à l’oeuvre Bobby Hull et Stan Mikita quand ils étaient les dieux du stade. Je me rappelle qu’il y avait aussi Tony Esposito devant le filet, Keith Magnuson, Bill White, Doug Jarrett et Pat Stapleton à la ligne bleue, ainsi que des joueurs de soutien comme Jean-Pierre Bordeleau, Lou Angotti, Chico Maki, Eric Nesterenko, Dennis Hull, Pit Martin et Cliff Koroll.

C’est à cette époque que le regretté Pit Martin, de Rouyn-Noranda, a soulevé une grande controverse dans la Ville des vents et à travers la Ligue nationale. Il a confié au journaliste Bob Verdi que les Blackhawks manquaient de leadership derrière le banc et au deuxième étage. Il a ajouté que l’équipe n’était l’affaire que de deux super vedettes (Hull et Mikita) et que le reste du club ne comptait pas. Il n’en fallait pas davantage pour mettre le feu aux poudres.

Plusieurs joueurs se sont rangés derrière Martin. Billy Reay a senti le besoin de serrer la vis et Stan Mikita s’en est pris à son coéquipier en le traitant de «Perfect Pit».

Quelques années plus tard, Gilles Marotte m’a confirmé qu’il y avait deux clans chez les Blackhawks: celui de Bobby Hull et celui de Stan Mikita.

LA BARRE HORIZONTALE

Cela n’a pas empêché l’équipe favorite de Paul Houde de connaître beaucoup de succès sur la patinoire et aux guichets. Après avoir gagné la coupe sous la gouverne de Rudy Pilous en 1961, les Blackhawks ont participé quatre fois à la finale entre 1962 et 1973, s’inclinant à trois reprises devant le Canadien et une autre fois devant les Maple Leafs de Punch Imlach.

En 1971, Chicago aurait probablement battu le Canadien si le puissant tir de Bobby Hull n’avait pas touché la barre horizontale. Les Blackhawks menaient alors 2-0 dans le septième match. Quelques minutes plus tard, Jacques Lemaire a trouvé le fond du filet sur un lancer de 80 pieds qui a échappé à l’attention de Tony Esposito, puis le vétéran Henri Richard s’est chargé du reste, marquant le but égalisateur et le but de la victoire.

Je me souviens aussi d’un arrêt miracle de Ken Dryden aux dépens de Jim Pappin. Deux ans plus tard, c’est Yvan Cournoyer qui a pris les choses en mains contre Chicago. Quelques mois auparavant, le Roadrunner avait été un des héros du Canada dans la la Série du siècle.

Au début des années 1980, le petit Denis Savard, de Verdun, a fait vibrer le Chicago Stadium avec ses pirouettes et ses feintes extraordinaires, puis le fougueux Chris Chelios a pris la relève et l’équipe a déménagé dans un stade plus moderne. Les Blackhawks ont ensuite connu les ténèbres avant de voir arriver les Jonathan Toews, Patrick Kane, Brent Seabrook et Duncan Keith. C’est la grande roue du sport professionnel.

Les assistances sont meilleures que jamais au United Center et les Hawks sont redevenus une des puissances de la ligue, mais les gens de ma génération n’oublieront jamais l’ancien Chicago Stadium et son orgue à 40 000 tuyaux.

Bergevin: le début d’un temps nouveau

Les fleurs fusent de partout pour le nouveau directeur général du Canadien et elles semblent méritées. Qu’il profite pleinement de sa lune de miel!

On aime le franc-parler de Marc Bergevin, son attitude, son enthousiasme et sa façon de voir les choses. C’est un vent de fraîcheur qui souffle sur le Centre Bell. Comme le chantait si bien Renée Claude, c’est le début d’un temps nouveau. La terre est à l’année zéro et les partisans du Canadien peuvent espérer des jours meilleurs après une chute en enfer avec Pierre Gauthier et Bob Gainey.

Lucien Deblois

Lucien Deblois, qu'on voit ici en compagnie de Stéphane Richer, est d'avis que le Canadien serait fou de ne pas surveiller ce qui se passe dans sa cour.

«Sa nomination ne me surprend pas tellement, déclare Lucien Deblois, recruteur pour les Canucks de Vancouver. Je savais qu’il était parmi les plus sérieux candidats. Marc est une bonne personne, un gars intelligent qui a roulé sa bosse dans le hockey. Une de ses premières décisions est de vouloir attacher une plus grande importance aux joueurs de la Ligue Junior Majeure du Québec. Cette ligue a été dénigrée injustement car ses champions font belle figure au tournoi de la coupe Memorial. Le Canadien serait fou de ne pas surveiller ce qui se passe dans sa cour».

Guy Carbonneau, qui rêve d’un retour dans la Ligue nationale, est d’avis que le Canadien a embauché un homme qui a beaucoup de vécu et qui sait ce qu’il faut faire pour bâtir une équipe gagnante.

Mario Tremblay, parfaitement heureux dans le monde des communications, considère Bergevin comme un leader avec des idées nouvelles. Il pense que son ami Carbo ou Vincent Damphousse auraient été en mesure de relever un tel défi, mais il souhaite bonne chance à l’heureux élu.

DU FLAIR POUR LES JEUNES

Depuis Chicago, Stéphane Waite applaudit la nomination de son ex-compagnon de travail. Selon lui, il était le meilleur candidat en lice.

«Marc a de l’expérience et du flair, a-t-il confié à Mathias Brunet. Il est capable d’évaluer un jeune joueur, de savoir s’il fera carrière ou non dans la Ligue nationale».

Ian Laperrière, des Flyers, considère qu’il est primordial d’être bon communicateur dans le hockey d’aujourd’hui. C’est une qualité que ne possédaient pas Pierre Gauthier et Bob Gainey. Il ajoute que Bergevin est un travailleur infatiguable et qu’il ne craint pas de se rendre dans les arénas pour analyser les jeunes joueurs.

Geoff Molson et Serge Savard sont convaincus d’avoir choisi le bon homme et le temps nous dira s’ils ont raison. Bergevin les a suffisamment impressionnés pour obtenir un contrat de cinq ans.

ROY, VIGNEAULT OU HARTLEY?

Une des premières missions de Bergevin sera d’embaucher un entraîneur capable de soutirer le meilleur de ses joueurs. Un gars qui a de la poigne, mais qui sait également discuter avec ses ouailles quand ça ne tourne pas rond.

Certains de mes confrères sont persuadés que Bergevin fera fausse route s’il ne confie pas le poste à Patrick Roy, un gagnant qui aurait encore le CH tatoué sur le coeur. «Casseau» ne laisse personne indifférent. On l’aime ou on le déteste, comme Michel Bergeron. Il est parfois trop impétueux, mais la pression ne lui fait pas peur.

Il existe aussi la possibilité qu’Alain Vigneault soit libéré par les Canucks même s’il a connu de grands succès à Vancouver durant les six dernières années. Il a travaillé sous les ordres de Serge Savard à l’Ile-du-Prince-Édouard et ce dernier lui voue le plus grand respect. Il ne fait pas de doute que Vigneault est aujourd’hui un meilleur entraîneur qu’à l’époque où Réjean Houle lui a confié des équipes très ordinaires.

Il faut aussi penser à Bob Hartley, d’Hawkesbury, qui vient de conduire les Lions de Zurich au championnat de la Ligue nationale de Suisse. Bob a connu du succès partout où il est passé et il aimerait sûrement tenter sa chance derrière le banc du Canadien.

L’important pour Bergevin est de choisir un homme avec lequel il pourra bien s’entendre. C’est essentiel. Dites-vous aussi que le prochain coach devra s’armer de patience parce que le Canadien a plusieurs lacunes à combler avant de devenir une puissance de la Ligue nationale.

Bergevin ne veut pas parler du passé ou de ses prédécesseurs. Il se tourne résolument vers l’avenir. C’est la meilleure façon de procéder. Pour l’instant, toute la province est derrière lui.