Souvenirs, souvenirs

Les Expos sont morts et enterrés depuis bientôt 10 ans, mais ceux qui aiment vraiment le baseball n’ont rien perdu de leur passion pour le sport national des Américains.

C’est vrai que les matchs, souvent trop longs, se terminent parfois même après minuit (pour satisfaire les exigences des réseaux de télévision), mais ce n’est pas cela qui m’empêchera de suivre attentivement la prochaine Série mondiale. Autant que faire se peut, je serai rivé à mon fauteuil du premier au dernier tir.

Lorsque j’ai commencé à m’intéresser à ce sport, à la fin des années 1950, les Yankees étaient rois et maîtres avec des joueurs comme Mickey Mantle, Whitey Ford, Moose Skowron et Yogi Berra. Leur gérant était un énergumène du nom de Casey Stengel. J’écoutais les matchs à la radio et tentais d’imaginer à quoi ça pouvait ressembler dans le grand stade des Yankees avec 70 000 personnes dans les estrades.

Mickey Mantle: le plus grand héros de ma jeunesse.

Mickey Mantle: le plus grand héros de ma jeunesse.

Peu de temps après, j’ai pu voir mes héros en noir et blanc par le truchement de la télévision naissante. Un pur délice même si l’image n’était toujours très claire. Déjà, je rêvais au jour où j’aurais le bonheur de mettre les pieds dans un stade des ligues majeures. J’étais alors loin de me douter que je pourrais le faire des centaines de fois et que je serais même payé pour prendre place sur la galerie des journalistes.

La quatrième fois

Tout ça pour vous parler de la prochaine série entre les Red Sox et les Cards, laquelle sera la 109e classique automnale du baseball majeur.

Il s’agira du quatrième affrontement entre les deux clubs. En 2004, après leur ralliement historique contre les Yankees, les Red Sox ont balayé les Cards du revers de la main (4-0) même s’ils ont commis huit erreurs dans les deux premières parties à Boston. Pedro Martinez et Curt Schilling ont gagné chacun un match, puis Derek Lowe a mis fin à la série en blanchissant les Cards au stade Busch. Les Red Sox étaient enfin champions après une traversée du désert de 86 ans.

On oublie assez facilement les séries au dénouement rapide. Lorsque je pense à ces deux formations, c’est plutôt la série de 1967 qui me revient en tête. Une bataille inoubliable mettant en vedette Bob Gibson, Lou Brock, Roger Maris, Jim Lonborg et Carl Yastrzemski.

Les Red Sox, alors dirigés par Dick Williams, ont réalisé «l’impossible rêve» pour enlever le championnat de la Ligue américaine avant de se frotter à la troupe de Red Schoendienst. Ils avaient le vent dans le voiles et un formidable leader en Yastrzemski, mais ils se sont butés à un lanceur qui semblait venir d’une autre planète.

Très peu de lanceurs ont été aussi dominants que Bob Gibson.

Très peu de lanceurs ont été aussi dominants que Bob Gibson.

Non seulement Gibson a-t-il remporté trois victoires, mais il a lancé trois parties complètes, limitant les Red Sox à 14 petits coups sûrs en 27 manches de travail. Il a aussi passé 26 frappeurs dans la mitaine. La pilule était dure à avaler pour les Red Sox et leurs fidèles partisans, mais ils ne pouvaient que s’incliner devant le brio d’un artilleur aussi dominant.

Roger Maris, chassé de New York par des partisans insatiables, a contribué largement à la victoire  des Cards avec sept points produits et de beaux jeux au champ droit. Il devait annoncer sa retraite un an plus tard, soit après la défaite des Cards contre Détroit.

Dans la défaite, Yastrzemski n’a jamais ralenti la cadence. Champion de la Triple couronne, il a frappé 10 coups sûrs et fait marquer cinq points.

La première série Cards-Red Sox remonte à 1946. Elle a pris fin de façon dramatique lorsqu’Enos Slaughter a croisé le marbre du premier but sur un double Dixie Walker. Ce qu’il faut aussi retenir de cette série, c’est que le grand Ted Williams a été limité à cinq petits coups sûrs en sept parties. Stan Musial (6 en 27) n’a guère fait mieux dans le camp des vainqueurs. Comme quoi ce ne sont pas toujours les grandes vedettes qui font la différence en séries de championnat.

À forces égales

Que nous réserve la prochaine série Saint-Louis-Boston? Si elle est aussi bonne que celle de 1967, nous aurons droit à tout un spectacle.

Les deux équipes se valent sur papier. Elles ont dominé leur ligue respective avec une fiche identique de 97 victoires et 65 défaites. Elles savent «comment gagner» et tiennent le même discours: L’ÉQUIPE D’ABORD.

Les Cards tentent d’enlever la Série mondiale pour la troisième fois en huit ans. Ils ont triomphé en 2006 et 2011. Les Red Sox ont également triomphé à deux reprises depuis le début du millénaire (2004 et 2007). En bout de ligne, c’est peut-être le releveur KOJI UEHARA qui fera la différence.

Enfin, sachez que la Ligue nationale a gagné cinq des sept dernières Séries mondiales: Saint-Louis et San Francisco deux fois chacun, les Phillies une fois.

Et que la fête commence!

 

 

Très léger avantage aux Red Sox

J’en connais plusieurs qui sont déçus parce que les Dodgers se sont fait sortir des séries par les Cards de Saint-Louis. Il faut savoir que les Dodgers ont des racines profondes au Québec depuis l’époque où les Royaux de Montréal étaient leur club-école dans la Ligue internationale.

Le fait est que l’équipe de Magic Johnson a connu une excellente campagne après l’entrée en scène du jeune Yasiel Puig. À un certain moment, les Dodgers ont gagné 42 parties sur 50 ou quelque chose du genre pour s’emparer du premier rang. On les voyait déjà en Série mondiale, mais les choses ne sont pas si simples.

En demi-finale, les Dodgers ont eu le malheur de perdre les deux premiers matchs à Saint-Louis contre une formation qui regorge de bons lanceurs. Ils ont bien tenté de renverser la vapeur, mais le mal était fait.

Le jeune Michael Wacha en a fait voir de toutes les couleurs aux frappeurs des Dodgers en série de championnat.

Le jeune Michael Wacha en a fait voir de toutes les couleurs aux frappeurs des Dodgers en série de championnat.

À part Carlos Beltran, les Cards n’ont pas de grande vedette, mais ils accordent généralement peu de points à leurs adversaires et ils sont très tenaces au bâton. Ils savent comment «fabriquer» des points. L’excellent Clayton Kershaw pourrait vous en parler longuement.

Au risque de me répéter, Saint-Louis est une grande ville de baseball. Les Cards sont leur fierté depuis les beaux jours de Stan Musial, Marty Marion et Red Schoendienst. Aucune autre équipe des ligues majeures ne possède une plus belle tradition, y compris les Yankees.

Si les Cards participent si souvent aux séries de championnat, c’est d’abord parce qu’ils ont cette faculté de «développer de bons lanceurs». C’était vrai dans le temps de Bob Gibson et de Steve Carlton et ça na pas changé. Aujourd’hui, les chefs de file s’appellent Wainright et Wacha.

Papi et Pedroia

L’histoire des Red Sox est tout aussi intéressante. Après le triste passage de Bobby Valentine, ils étaient dans la merde jusqu’au cou, mais le directeur général Ben Cherington a rapidement remédié à la situation en mettant le grappin sur des joueurs comme Napoli, Victorino, Gomes, Drew et Dempster.

Cherington a aussi joué de chance en embauchant le releveur Koji Uehara, joueur par excellence de la série de championnat contre Détroit. Ce dernier avait été engagé pour lancer en septième et huitième manche, mais il a si bien fait son boulot qu’il est devenu le «stopper» de l’équipe.

Dustin Pedroia: un leader exceptionnel. Le Derek Jeter des Red Sox.

Dustin Pedroia: un leader exceptionnel. Le Derek Jeter des Red Sox de Boston.

Les Red Sox peuvent généralement se fier sur Lester, Buchholz et Lackey pour six ou sept manches, puis la relève fait le reste du travail. C’est la vie des temps modernes. On ne demande plus au lanceur partant de tenir le coup pendant neuf manches. Le plus bel exemple est celui de Max Scherzer, des Tigers. Il sera le prochain gagnant du trophée Cy Young même s’il n’a pas lancé une seule partie complète en 173 départs.

Les Red Sox ont aussi deux formidables leaders en David Ortiz et Dustin Pedroia. Le premier est considéré à juste titre comme le meilleur frappeur de choix de l’histoire du baseball. Il peut mettre fin aux hostilités d’un seul élan, comme il l’a fait au début de la série contre Détroit.

Pedroia, malgré sa petite taille, est le coeur et l’âme des Red Sox. Comme Derek Jeter, il vous bat de toutes les façons. Il joue au baseball avec une détermination à toute épreuve. C’est pourquoi on n’a pas hésité à lui faire signer un contrat dans les 100 millions.

N’en déplaise aux partisans des Dodgers, la prochaine Série mondiale nous réserve un spectacle de grande qualité. Les Red Sox semblent posséder un léger avantage à cause de leur puissance au bâton, mais ils devront se débrouiller sans Big Papi pour les trois parties à Saint-Louis parce que le règlement du frappeur de choix ne sera pas en vigueur. Il sera toutefois disponible comme frappeur d’urgence.

Selon le système 2-3-2, les Red Sox profiteront aussi de l’avantage de jouer devant leurs partisans au début et à la fin de la série si elle se rend à six ou sept parties.

Depuis le temps, pas besoin de vous dire dans quel camp je me trouve. Je m’attends cependant à une longue série et les Cards me font très peur.

 

 

 

 

La voix d’or des Dodgers

Le début des séries de championnat du baseball majeur coïncide avec le festival des couleurs. La plus belle saison de l’année, mais malheureusement trop courte.

Ce matin, j’aimerais souligner le retour des Dodgers dans les séries en vous parlant de Vincent Scully, le meilleur et le plus durable commentateur de l’histoire du baseball.

Même s’il fêtera ses 86 ans le mois prochain, Scully a déjà annoncé qu’il serait de retour au micro des Dodgers pour une 65e et dernière saison en 2014. Sa carrière est tout simplement phénoménale et elle n’est surtout pas le fruit du hasard.

L'increvable Vin Scully décrit les exploits des Dodgers depuis 1950.

L’increvable Vin Scully décrit les exploits des Dodgers depuis 1950.

Même s’il a été l’objet de tous les honneurs imaginables et s’il a son étoile sur Sunset Boulevard, Scully est un homme d’une grande humilité. Il ne joue jamais à la vedette et il se prépare pour chaque partie comme si c’était sa dernière. Il ne laisse rien au hasard et il a le provilège de pouvoir piger dans un réservoir inépuisable d’histoires et d’anecdotes depuis ses débuts à Brooklyn avec Duke Snider, Roy Campanella et Jackie Robinson.

Scully n’est pas du genre à parler pour ne rien dire. Avant de raconter une histoire, il s’assure qu’elle est fondée, qu’il n’oublie personne ni aucun détail. Il croit que les amateurs de baseball, en général, sont des connaisseurs et il ne veut surtout pas les décevoir.

Scully est seul en ondes de la première à la dernière manche. Il ne boit pas durant la partie pour ne pas avoir envie d’aller aux toilettes, mais il croque des bonbons durs pour lubrifier ses cordes vocales. De plus, il ne fume jamais et il se garde de hausser le ton inutilement.

Parmi les grands moments de sa carrière, il y a les quatre parties sans point ni coup sûr de Sandy Koufax, le circuit dramatique de Kirk Gibson en Série mondiale et le 715e circuit d’Hank Aaron en avril 1974.

Parfois, quand il est seul dans sa chambre d’hôtel, il lui arrive de se demander ce qu’il fait dans cette galère à 85 ans, puis il se dit que c’est un métier qu’il adore et que l’argent servira à l’éducation de sa progéniture.

Dans une longue entrevue avec Chuck Culpepper, un journaliste de Los Angeles, il a déclaré récemment: «le Bon Dieu m’a fait plusieurs cadeaux. Il m’a donné un job que j’aime alors que j’étais encore jeune. Il m’a aussi donné la santé, une femme en or et un certain talent pour pratiquer mon métier. Je n’utiliserai jamais la modestie pour m’attirer d’autres compliments. C’est la dernière chose que je voudrais faire. Je dis simplement merci, puis la vie continue».

Quel commentateur ne rêverait pas d’avoir une carrière aussi étincelante?

Au Québec, les commentateurs sont souvent placés sur la voie d’évitement quand ils arrivent à 60 ans. Aux États-Unis, c’est tout le contraire et Scully en est le meilleur exemple.

 

 

 

Maris et la mer

OGUNQUIT, Maine— Canaan, Colebrook, Grafton Notch, Errol, South Paris et Gray. De vieux noms imprimés dans ma mémoire.

Un des plaisirs de l’automne, c’est de sauter dans l’auto et de rouler sur la vieille 26 en direction des plages du Maine. Surtout lorsque le soleil de septembre fait scintiller les arbres multicolores. Quel spectacle féérique!

Une fois rendu à Gray, il suffit d’emprunter l’autoroute durant 45 minutes, puis le tour est joué.

Pour les Québécois, en particulier pour ceux et celles qui ont vu le jour dans les Cantons de l’Est, c’est un réflexe naturel que de franchir la frontière du Vermont pour retourner voir la mer et visiter la Nouvelle-Angleterre. On s’y sent comme à la maison.

Chaque fois que je retourne à Ogunquit, c’est comme si je retrouvais mes vieilles chaussettes. Je n’aurais aucun mal à y passer un mois ou deux même si je risquerais de manquer d’argent.

Ma seule préoccupation pour le week-end était de profiter de la vie avec Darling et de terminer mon livre sur la vie et la carrière de Roger Maris, un brillant joueur de baseball qui n’a jamais reçu tout le mérite qui lui appartenait.

Roger Maris: une carrière passionnante.

Roger Maris: une carrière passionnante.

À ses meilleures saisons chez les Yankees, après avoir fait sauter le record de Babe Ruth (61 circuits en 1961), Maris ne touchait que 75 000$ par année, soit 25 000$ de moins que son coéquipier Mickey Mantle. C’était beaucoup d’argent à l’époque, mais ça n’avait rien à voir avec les salaires qui ont été versés après que Marvin Miller eut fait tomber le clause de réserve.

Pour toutes sortes de raisons, Mantle était le dieu du stade tandis que Maris était souvent critiqué par les journalistes et hué les partisans des Yankees. Lorsque ses statistiques ont commencé à décliner à cause des blessures, il a été échangé aux Cards de Saint-Louis, puis il a participé à deux autres Séries mondiales avec Bob Gibson, Lou Brock, Orlando Cepeda, Curt Flood et Tim McCarver.

Son association avec les Cards a sauvé la fin de sa carrière. Non seulement a-t-il joué pour une autre équipe championne, mais son amitié avec le propriétaire Gussie Busch lui a valu d’obtenir une agence de distribution de bière (Budweiser) en Floride.

On a souvent prétendu qu’il y avait une forte animosité entre Mantle et Maris. C’est tout à fait faux. Les deux puissants frappeurs étaient de grands amis et s’encourageaient mutuellement.

Maris a grandi dans le Dakota du Nord. Il était très terre-à-terre, humble et jaloux de sa vie privée. Dans un marché aussi médiatisé que celui de New York, il a vécu l’enfer. De nombreux journalistes et des millions d’amateurs de baseball ne voulaient pas qu’il fasse sauter la marque du Bambino. La pression était telle qu’il en a perdu ses cheveux. Toutefois, ça ne l’a pas empêché de devenir un des meilleurs joueurs de sa génération. En plus de cogner la longue balle, il pouvait tout faire sur le losange et il était un excellent voltigeur de droite.

À chacun son destin. Maris, bien malgré lui, est devenu un athlète plus grand que nature. Quand il en a eu assez, il est rentré à la maison pour s’occuper de sa femme, de ses six enfants et de son agence de bière. Il avait seulement 51 ans quand il a été emporté par le cancer.

Ses statistiques globales (275 circuits et 850 points produits) lui ont jusqu’ici fermé les portes du panthéon. Il a quand même mérité deux fois le titre de joueur par excellence de la Ligue américaine et il a formé avec Mantle un des duos les plus électrisants de l’histoire du baseball.