GUY LAFLEUR NOUS QUITTE À 70 ANS
Cela fait deux mois que je prépare cette chronique et je me demande encore par où commencer. Comme si j’aurais préféré ne jamais l’écrire…
Qu’est-ce qui n’a pas été dit, écrit ou raconté au sujet de GUY
LAFLEUR durant les 50 ou 60 dernières années? Qui n’a pas une anecdote, un souvenir ou une photo avec le Démon Blond? Il faisait partie de NOS VIES au même titre que le Rocket, le Gros Bill, Félix ou René.
Fils de papetier, Lafleur a grandi dans le petit village de THURSO et il a été une vedette dès le jour où il a chaussé les patins au tournoi Pee-Wee de QUÉBEC. Son destin était de devenir un des plus grands joueurs dans l’histoire du hockey. Un métier qui lui allait comme un gant et qu’il a rempli avec amour et PASSION.
Je laisserai à d’autres le soin de vous rappeler ses exploits sur la patinoire, ses six saisons de 50 buts, sa triste fin de parcours avec le Tricolore, son retour improbable avec les Rangers à 37 ans, l’accident de voiture qui a failli lui coûter la vie dans la jeune trentaine, son fameux but contre Boston en 1979 et quoi encore…
DU PANACHE
Honnêtement, je n’ai pas vu tous ses exploits durant les années 1970 pour la simple et bonne raison que j’étais souvent sur la route avec les Expos. Ça ne m’a pas empêché
d’être ébloui par son talent, sa fougue, son intelligence, son désir de vaincre et ce DON DU CIEL qu’il avait pour soulever la foule.
Certains joueurs marquent des buts à profusion, mais n’arrivent pas à transcender leur sport. Lafleur, lui, avait du PANACHE. Quand il fonçait en zone ennemie, les gens étaient sur le bout de leur siège parce qu’ils s’attendaient à ce qu’il marque un but spectaculaire ou qu’il fasse une passe savante à un coéquipier. Il ne répondait à aucun plan de match. Il jouait au hockey par INSTINCT, comme s’il avait la
science infuse. C’est d’ailleurs HENRI RICHARD qui l’a convaincu d’oublier les directives du coach (Bowman) et de jouer selon son style à lui.
Le ROCKET, qui avait lui aussi le flair pour le dramatique, m’a dit un jour: «J’aime Lafleur parce qu’il se donne pour son public chaque fois qu’il saute sur la patinoire». Le compliment ultime de la part de celui qui a sauvé la Ligue nationale durant les années 1940 et qui est devenu l’idole de tout un peuple.
UN GARS DU PEUPLE
Comme plusieurs autres grands joueurs, Flower a eu des débuts modestes dans la LNH. On hésitait à le laisser exprimer
tout son talent. Il a ensuite dominé la ligue pendant six ou sept ans avant de céder son trône à WAYNE GRETZKY, puis il a connu une baisse de régime en fin de carrière. Tout le monde l’aimait. Coéquipiers et adversaires lui vouaient le plus grand respect.
Il en a fait voir de toutes les couleurs aux gardiens de but, exception faite de ses matchs contre l’URSS. Pour une raison
que j’ignore, il était moins bon contre les RUSSES.
Ce que je retiens par-dessus tout, c’est sa grande SIMPLICITÉ, sa franchise proverbiale et son immense GÉNÉROSITÉ envers les amateurs de hockey. Les super héros n’ont pas besoin de se vanter ou de faire leur promotion. Leurs gestes font foi de tout.
Je me souviens en particulier d’un tournoi de GOLF en Estrie, il y a bien des lunes. Lafleur n’a jamais eu la piqûre du golf. Cette activité ne répondait pas à ses attentes. Pourtant, ce jour-là, il a insisté pour compléter la ronde même si le jeu était
lent. Il était presque minuit quand il a quitté la salle de banquet après avoir répondu aux demandes de ses nombreux admirateurs. C’était ça Guy Lafleur. Il traitait tout le monde sur le même pied, sans jamais perdre patience. Il ne savait pas dire NON.
Combien de fois les joueurs des ANCIENS CANADIENS ont dû attendre après lui parce qu’il n’en finissait plus de signer des autographes et de se faire photographier avec ses
partisans? Les gars comprenaient très bien qu’il était l’attraction principale et que c’était sa présence qui leur permettait d’empocher quelques centaines de dollars.
On s’explique mal qu’un homme aussi FORT physiquement nous quitte aussi rapidement. Même chose pour MIKE BOSSY, qui nous a quittés la semaine passée. Un rappel que nous ne sommes que de PASSAGE dans ce monde, un petit grain de sable dans l’immensité de l’univers.
Les médecins du CHUM ont tout tenté pour vaincre ce cancer et prolonger sa vie… comme le Docteur Kinnear l’avait fait pour J.C. Tremblay. Il est long, le bras de la mort.
Compte tenu de sa générosité et de la joie qu’il a semée autour de lui, il est permis de croire que SAINT PIERRE lui a réservé une place de choix dans son Royaume… entre le Rocket et le Gros Bill.
Mes plus vives condoléances à son épouse Lise, à sa mère, à ses deux enfants et à toute la famille Lafleur.
P.S. Quelqu’un a suggéré que l’autoroute 50 entre Lachute et Gatineau devienne L’AUTOROUTE GUY-LAFLEUR. Excellente suggestion.
AVEC DIONNE À NEW YORK
Bien sûr, les témoignages fusent de partout pour Ti-Guy.
MICHEL BERGERON: «J’ai eu le privilège d’être son coach à New York et à Québec. J’aurais aimé l’avoir sous mes ordres quand il
avait 26 ou 27 ans, mais j’ai des souvenirs plein la tête. Un soir à Los Angeles, on retirait le chandail de MARCEL DIONNE. J’avais Marcel et Ti-Guy dans mon club. En troisième période, j’ai eu le culot de les laisser sur le banc pour préserver une avance d’un seul but. Marcel n’était pas très content après la partie, mais on a gagné.
«Guy parlait toujours de L’ÉQUIPE, jamais de ses exploits
personnels, ajoute le Tigre. Mon plus beau souvenir, c’est un souper du JOUR DE L’AN à New York. Un souper à la bonne franquette avec mon chum RICHARD MORENCY. On a invité Ti-Guy et il est arrivé avec deux bouteilles de DOM PERIGNON! Je me souviens aussi que PIERRE LAROUCHE avait eu la délicatesse de lui donner son numéro 10. Enfin, j’ai du mal à comprendre qu’il n’ait jamais eu un «A» sur son chandail quand il jouait pour le Canadien».
SERGE SAVARD, en entrevue avec Pierre Bruneau: «Durant les années 1970, nous étions une dizaine de futurs membres du Temple de la renommée, mais GUY était notre super étoile. À sa 4e saison, il a pris son envol et il a complètement dominé la Ligue nationale. Il était un gars excessivement HUMBLE et n’a jamais pensé qu’il était plus gros que l’équipe. Il faisait la différence quand ça comptait…. J’ai eu de longues discussions avec lui avant qu’il annonce sa RETRAITE (en 1984). C’était sa décision, mais il n’était pas prêt à quitter la patinoire. Un athlète ne meurt jamais. Même à la fin, on se croit encore capable de faire ce qu’on faisait quelques années auparavant… Avec le CAP SALARIAL, on ne pourrait pas recréer l’équipe des années 1970… Même malade, Guy continuait de penser aux autres. Il a fondé le club des 10 pour venir en aide au CHUM. Il prenait la peine de signer tous les chandails et d’appeler lui-même les donateurs pour les remercier. Il avait le même statut que JEAN BÉLIVEAU, son idole de jeunesse».
PATRICK ROY: «Guy représente l’excellence. Il a eu un impact sur tellement de joueurs. J’étais très nerveux la première fois
que je me suis assis dans le vestiaire du Canadien, mais Guy avait le don de nous mettre à l’aise. Il aimait faire des jokes avec les boys. Il ne se prenait jamais pour un autre et il savait d’où il venait. Il a marqué 2 buts contre moi à son premier match au FORUM dans le chandail des Rangers. Je n’aime pas me faire déjouer, mais me faire battre par Ti-Guy, c’était moins pire!» (sources TVA)
YVAN COURNOYER: «Il avait le talent pour succéder au Grand Jean et il l’a prouvé sur la patinoire. Il aimait jouer au hockey et il aimait GAGNER. Je savais qu’il allait mourir du cancer, mais c’est un dur moment à vivre. Je suis convaincu
qu’il s’est battu jusqu’au bout».
YVON LAMBERT: «On parlera encore de son but égalisateur contre les Bruins en 1979. Quelques minutes plus tard, j’ai donné la victoire au Canadien en prolongation. Pendant une couple de jours, j’ai vécu le VEDETTARIAT que mon ami Lafleur a vécu durant toute sa carrière. Il avait un grand respect pour son public. S’il y avait 200 personnes dans la salle, il fallait que tous et chacun obtienne son autographe et celui des autres joueurs. Il était allé à la bonne école, celle de JEAN BÉLIVEAU».
MARTIN ST-LOUIS: «Guy Lafleur, c’est le Canadien de Montréal. Mon super héros. Il n’avait pas juste du talent, il avait de la «drive», le désir de réussir. Quand ma mère est morte, il est venu au salon funéraire avec RÉJEAN HOULE.
C’est une chose que tu n’oublies pas».
GEORGES GUILBAULT, ancien président des Canadiens de Sherbrooke et ancien d.g. des Castors Juniors: «Nous sommes tous plus RICHES de l’avoir connu. J’ai eu plein d’aventures avec Guy après l’avoir convaincu de jouer avec les bâtons SHER-WOOD. Je me souviens d’un merveilleux voyage de chasse sur l’île d’Anticosti. Son épouse m’a aussi demandé de négocier son contrat avec les RANGERS à la fin des années 1980. Un contrat de 2 ans qu’il a complété à QUÉBEC. On perd un très très gros morceau».